Le JDD - Musique - 5 Décembre 2010
Pour évoquer le nouvel album de Sylvie Vartan, nous avons demandé à Françoise Hardy de bien vouloir faire l’interview pour nous. Mots croisés amusés… Paru dans leJDD
Sylvie, Françoise et… Elvis. Le chien de la première n’a pas perdu une miette de cette conversation autour de la chanson. (Eric Dessons/JDD)
Salut les copines. Elles ont démarré ensemble à une époque où les carrières se faisaient à la radio. Sans avoir eu ni les mêmes influences musicales, ni le même destin, elles sont restées amies, prenant le temps de se croiser lorsque l’occasion se présentait. Nous en avons provoqué une, profitant de la sortie du nouveau disque de Sylvie Vartan,
Soleil Bleu. Françoise Hardy, en mode veille après la sortie de
La Pluie sans parapluie (EMI), a accepté de l’écouter avant de conduire elle-même l’entretien pour nous. C’était samedi dernier, à l’heure du thé, à l’abri des thermomètres qui pleurent et dans une atmosphère feutrée.
Françoise Hardy: Ton précédent disque date d’un an, c’est rare d’enchaîner si vite avec un autre. Qu’est-ce qui justifie cet activisme effréné, chère Sylvie? Sylvie Vartan: Je cherche de nouvelles chansons en permanence! Contrairement à toi, je n’écris pas. J’aime partir des textes, puis penser aux mélodies...
Personnellement, je préfère écrire sur des mélodies. C’est très compliqué de mettre des paroles sur de la musique, non? Très contraignant!
Des symétries sonores se dessinent et m’inspirent plus facilement des mots, des rimes… Quel a été le point de départ de l’album? Ton ami Etienne (Daho). Depuis sept ans, il me faisait la promesse de m’écrire une chanson, j’ai estimé qu’il était temps de le presser un peu! On a pris rendez-vous autour d’un déjeuner japonais et là, entre trois algues roulées et un thon maguro, il a commencé à me cuisiner sur la couleur que je voudrais donner au disque… Pendant ce temps, mon directeur artistique m’a proposé Sous ordonnance des étoiles, qui est devenu le duo avec Arthur H…
C’est Etienne qui t’a suggéré Keren Ann comme réalisatrice? Oui, le problème étant qu’en studio j’ai mes petites manies et qu’il faut réfléchir avant de s’embarquer pour de longues semaines de huis clos avec quelqu’un que tu ne connais pas… Etienne a organisé notre rencontre chez lui. Elle est venue avec l’auteur Doriand et un premier titre clé en main: J’fais la moue.
Keren Ann est un talent rare. Tout ce qu’elle fait est élégant. Coup de cœur immédiat! Et peu de temps après, avec Doriand, ils sont revenus avec quatre nouvelles chansons sur lesquelles je n’ai rien eu à changer, chose qui ne m’était jamais arrivée. Toujours mes manies…
Il y a également un titre de Dave dont la mélodie est ravissante. Je voulais évoquer l’adolescence. Avec ma fille de 13 ans, je suis en plein dedans. C’est une période assez abstraite pour moi dans la mesure où je ne suis jamais entrée en rébellion. Je m’en serais tant voulu de chagriner ma mère.
Soleil Bleu est signé Julien Doré. Je trouvais la maquette légère, ensoleillée… Mais je n’étais pas sûre. Je suis donc allée en studio pour me familiariser avec la mélodie et vérifier que la tonalité me conviendrait. Et sous la forme d’un nouveau duo, la chanson s’est imposée. Et Julien avec elle.
Que penses-tu de lui? Je lui trouve un talent étrange, une voix hors norme… Ah bon? Moi, je le trouve doué, passionné. Je suis partie chanter au Japon avec lui.
Oui, nous nous sommes vus hier, il m’en a parlé. Comment ça "hier"?
Je chante avec lui sur l’album qu’il prépare… Tu me caches des choses! (Rires)
Benjamin Biolay figure aussi dans le disque. Je croyais tout savoir de lui, mais le titre que tu as choisi de reprendre m’avait échappé… Ah, si même toi tu le découvres, c’est bon signe. (S’adressant à nous) Elle connaît tout Françoise, elle passe son temps à écouter ce que font les autres.
Sur scène, tu comptes interpréter d’anciennes chansons? Bien sûr, le public ne comprendrait pas.
Tu as raison. J’ai un souvenir très décevant d’un concert de David Bowie il y a des années, où il n’avait joué que des nouveautés. Cela dit, les concerts, je n’y vais plus. Je n’ai plus toujours l’énergie. Tu viendras au mien: c’est en matinée, comme pour les spectacles d’enfants! (Rires)
A propos d’enfants, comment tu fais pour concilier vie publique et vie de famille. Ta fille a 13 ans, c’est un grand bébé encore… Pas vraiment. Si je me base sur sa repartie et ses préoccupations, ça équivaut bien à 16!
On était des oies blanches à cet âge-là. A 18 ans, je ne savais absolument pas comment on faisait les enfants. Ta mère ne t’avait rien expliqué? Tu l’évoques dans ton livre. J’étais un peu désespérée en le lisant… J’ai trouvé ça triste par moments.
Un peu, oui: mélancolique. Comment tu gères tes accès de mélancolie?
En écoutant de la belle musique: Rachmaninov! Je suis attirée par tout ce qui pleure. Le Capricorne est assez ressassant en fait… Et toi, comment tu gères ta mélancolie? Je préfère m’étourdir; sur scène par exemple. Ou dans toute activité.
Il faut absolument que tu regardes une série que j’ai découverte grâce à mon fils Thomas: En analyse, ça se passe dans le cabinet d’un psy. C’est d’une telle intelligence! Jamais entendu parler… J’ai beaucoup de mal avec la télé. Même les séries. Dallas déjà, ça ne m’intéressait pas.
Desperate Housewives, pas plus.
C’est addictif. Essaye de regarder Damages avec Glenn Close: c’est génial! Je ne pensais qu’à ça quand ça passait sur Canal .(S’adressant à nous) En fait, Françoise à la chance de ne faire que ce qui lui plaît: son fils est grand et elle a tout loisir de ne penser qu’à son écriture, à sa musique…
Détrompe-toi, ces dix dernières années je n’ai pas arrêté. Et je m’offre une année sabbatique parce qu’il faut se faire désirer un petit peu. Moi, j’ai du mal à m’arrêter. Il faut que ça dépote!
Le JDD. En guise de conclusion, on constate, Sylvie Vartan, que vous avez travaillé ici avec nombre d’artistes de la sphère de Françoise, qui est, finalement le seul auteur qui manque à l’appel de votre disque. Vous n’avez jamais eu envie de la solliciter? S.V.: Mais elle ne veut pas écrire pour moi… Je le lui ai déjà demandé. Il y a des années, chez un éditeur, je suis tombé sur un texte magnifique d’elle:
La Vérité des choses. Mais, en dépit de mon intérêt, silence radio de son côté…
F.H.: (Rires) Je vais te dévoiler le fin mot de l’histoire. Je l’avais écrite pour Jeanne Moreau qui l’avait finalement déclinée. J’étais très heureuse de te l’offrir, mais il m’a fallu demander l’autorisation au compositeur Alain Lubrano qui m’a dit "
Sylvie? C’est ta copine, pas la mienne!" Et finalement, c’est moi qui l’ai enregistrée…
S.V.: Moralité: tu m’en dois une! (Rires)
(source : http://www.lejdd.fr/Culture/Musique/Actualite/Pour-le-JDD-Syvlie-Vartan-evoque-son-dernier-album-avec-Francois-Hardy-238911/ )