Le 28 avril 1965, un show entier dédié à Françoise Hardy, réalisé par Truck Branss, est diffusé en Allemagne. La conception de la mise en scène est très poussée et exige de Françoise une transformation physique radicale : un maquillage sophistiqué (voire outrancier) avec faux cils, un soutien-gorge rembourré, une taille très marquée…
Françoise évolue dans un décor d'une sobriété extrême, le visage grave et le regard lointain.
Le parti pris esthétique consiste à jouer sur des alternances de noir et de blanc. De nombreuses trouvailles visuelles renforcent le côté glamour de l'émission. La chanteuse apparaît comme une sphinge irréelle, un peu hautaine, figée dans une beauté froide et inaccessible mais dont la voix douce apporte le souffle d'âme nécessaire.
Ce show avant-gardiste fera beaucoup pour la renommée de Françoise Hardy en Allemagne notamment parce que la chanteuse a l'occasion d'interpréter 12 chansons à la télévision locale en autant de tableaux spécifiques dont la moitié est chantée en allemand. Outre Rhin, à la suite de l'émission,
Frag den Abendwind deviendra rapidement un grand succès.
Le lien entre les tableaux est assuré par un retour régulier à une image où figure le nom de la chanteuse en grandes lettres blanches.Chaque lettre est associée à une miniature de Françoise Hardy qui se met subitement à grandir au point d'envahir tout l'écran et annoncer le début de chaque chanson. La fin de chaque titre se concrétise par un retour vers une autre lettre de cette image fil rouge, dans une sorte de zoom arrière fort élégant.
Le show commence par
Pourtant tu m'aimes en proposant un voyage de N vers Y. Françoise se promène dans une usine désaffectée. Elle porte une longue robe noire et se dirige nonchalamment vers différents panneaux où les paroles de la chanson ont été traduites en allemand.
Suit
Frag den Abendwind. Très fière, dans un ensemble blanc surchargé d'une traîne, Françoise semble être sous la protection de la lettre Y avant d'être projetée dans un décor naturel, accidenté et lunaire. Ses cheveux masquent une partie de son visage qui reste néanmoins impassible tout au long de la chanson. Françoise ne bouge pas. C'est la caméra qui se rapproche d'elle. Très longtemps de face, son visage apparaît subrepticement de profil. A la fin du titre, elle est filmée de très loin avant de disparaître dans la lettre A.
Françoise est alors projetée dans un univers pavé du sol au plafond où elle chante
Die Liebe geht. Elle est toujours vêtue d'un ensemble blanc mais la traîne a disparu et désormais le vêtement comporte des manches. Elle reste un long moment près du A avant que ce dernier ne disparaisse de lui-même comme attiré par le côté gauche de l'écran. Ensuite la caméra filme Françoise en pied, toujours dans cet univers minéral puis offre un gros plan de son visage avant de la faire disparaître, après un long travelling, à moitié cachée, dans le R de Hardy.
On retrouve alors Françoise dans l'usine désaffectée. Cette fois-ci, elle chante
Peter und Lou. Elle porte une longue robe blanche sans manches. D'abord allongée, les bras en croix dans une abondance de coussins blancs et de coussins noirs, elle se relève et se promène en s'éloignant d'un R majuscule. Après avoir traversé différents échafaudages, elle se retrouve au milieu de rideaux de tulle sous un gros lustre d'apparat en cristal avant de disparaître dans un E.
Elle chante alors
La Mer. Devant un grand E, entouré de larges et longs bandeaux de voiles qui s'agitent, Françoise a conservé sa robe blanche sans manche mais a récupéré une petite traîne. Elle regarde fixement la caméra et reste encore plus impassible que dans les tableaux précédents. Elle se tient debout à côté du E tout au long de la chanson avant de disparaître dans un H.
Elle enchaîne avec
Er war wie du. Cette fois-ci, Françoise porte une robe noire à manches longues. La caméra se rapproche petit à petit de son visage sur lequel elle reste fixée un long moment. Une grande tristesse semble irradier de sa figure qui finit par s'évanouir dans un O.
Le O renvoie de façon ludique à
Oh Oh chéri chanté en français. Françoise est nettement plus souriante voire espiègle. Habillée d'un ensemble pantalon noir, elle se promène à l'intérieur d'un jeu de société à échelle humaine fortement inspiré des petits chevaux. Les pions se déplacent tous seuls et encerclent Françoise avant que celle-ci ne s'asseye sur un dé pour disparaître dans un A.
Avec
Vorrei Capirti Françoise offre une petite escapade en italien. Toujours sur le principe de la promenade dans un décor étrange, Françoise est propulsée dans une clairière dans laquelle tombent régulièrement quelques cascades de sable blanc. Pour l'occasion elle porte une grande robe blanche sans manches. La fin de la chanson s'évanouit dans un F.
Françoise réapparait pour
Ich hab das Glück dans un ensemble pantalon blanc à manches longues. Elle quitte le F pour s'installer dans une voiture décapotable blanche aux sièges sombres. Elle est essentiellement filmée en gros plan et esquisse fugitivement quelques brefs sourires. A la fin de la chanson, son visage se brouille et elle disparaît dans un D.
Françoise interprète alors
Les feuilles mortes. On la retrouve dans un ensemble noir. Elle chante à côté d'une reproduction géante de son visage au milieu d'un ensemble de lettres enchevêtrées disposées en tous sens. Le tout disparaît dans un S.
Françoise réapparaît tout en blanc pour chanter
Le premier bonheur du jour. Appuyée sur un S inversé, elle entame la chanson avant de monter sur le dos d'un cheval blanc qui fait quelques pas avant qu'on ne retrouve Françoise alanguie dans un fauteuil. Elle reprend ensuite sa balade à cheval pour disparaître dans un I.
Françoise termine le show en interprétant
Wenn dieses Lied erklingt. Pour la circonstance, elle est revêtue de la longue robe noire à manches longues du premier tableau. Elle se tient très raide, les bras le long du corps. Après un long moment immobile, Françoise reprend sa déambulation à travers l'usine et croise toutes les pièces qui ont permis d’accessoiriser les décors des tableaux : les lettres, les pions de
Oh Oh Chéri, les échafaudages, les panneaux traduits de
Pourtant du m'aimes, le fauteuil du
Premier bonheur du jour, etc.… Françoise quitte alors définitivement le show dans un fondu au noir…
Au final toutes les lettres de son nom et de son prénom auront été utilisées pour introduire une chanson à l'exception du C, qui peut-être à cause de sa cédille aurait pu devenir sujet de controverse...