Françoise Hardy dans "Femmes de, Filles de" (1er extrait)

En 2005 Valérie Domain nous proposait les portraits de femmes d'influence dans son livre Femmes de, Filles de. Un chapitre était consacré à Françoise Hardy.

Tout au fond de son sol marbré, règne un immense Bouddha tout d'or vêtu illuminé par en dessous au moyen d'une lumière rougeoyante. Un canapé en cuir noir fait face à un fauteuil signé du designer américain Charles Eames. Une lampe champignon Nesso années 1970 orange trône sur une petite table. Peu de plantes, pas de tissus chatoyants, pas de coussins ni de grande table d'invités. Seule une console encombrée d'une collection de boîtes de thé, non pour l'esthétisme mais parce que la maîtresse de maison semble apprécier le breuvage.

Le triplex de Françoise Hardy situé au cœur d'une des artères les plus chic de Paris est on ne peut plus sobre, sans la moindre volonté d'en mettre plein la vue. On ne sait pas si les étages sont tout aussi dénudés, mais on le présume. Au premier, le domaine réservé à Jacques Dutronc, au deuxième, celui de Françoise. Un petit ascenseur conduit les propriétaires à leurs appartements, le seul luxe souhaité par la chanteuse. Et, encore une fois, point de snobisme dans cette exigence, mais une raison toute médicale : Françoise a mal aux genoux, "Je suis en morceaux", dit-elle sans ciller.

Bref, un lieu en phase avec la chanteuse rien de superficiel à signaler, le juste nécessaire.

Elle apparaît sans fards, directe, grave derrière ce petit rire qui fuse comme un volcan au réveil. Mais cela fait longtemps qu'elle a arrêté de bouillir.

Avec l'âge, la sérénité est venue. Ses cheveux blancs, son grand corps maigre, ses yeux noirs habillent sa légende. Elle a été et elle est encore. D'ailleurs, ça l'étonne presque. Elle, qui n'a pas fait de scène depuis plus de trente ans, qui enregistre un disque quand ça lui chante et s'est fait une spécialité d'un passe-temps, l'astrologie. Finalement, elle aurait pu tout arrêter, tout oublier de sa carrière dans la chanson.

L'important n'a jamais été là. L'important a toujours été Jacques. Puis leur fils, Thomas. L'important, ce sont ses hommes. Pourtant, Dieu sait qu'elle en a bavé avec le premier, un courant d'air, puis, heureusement moins, avec le deuxième qui, lui, ne voulait pas la quitter. Un vrai casse-tête. Parfois, elle se plaint qu'on lui parle sans cesse de Jacques mais c'est dit sans amertume, comme une constatation : "Cela ne m'a jamais gênée d'être une "femme de", j'ai toujours eu le sentiment que c'était mieux comme ça que dans l'autre sens, dit-elle. Et puis ça ne me déplaît pas, dans le fond. Même si c'est un peu humiliant de ne pas pouvoir parler d'un album sans évoquer Jacques."

Voici un beau sujet que nous propose ici Françoise:

Françoise serait-elle plus femme de ... , (ou mère de ... non, je n'ai pas dit un gros mot ) QUE Jacques ne serait plus époux de ... , ( ou père de ...) ?

Françoise est très conventionnelle voire vieux jeu au sujet des rôles de chacun dans le couple. Il lui est naturel et rassurant de voir l'homme comme le chef de famille à qui on doit en premier lieu se référer. C'est ce qui explique sa soumission au qualificatif de "femme de".

Néanmoins, comme c'est une femme au caractère bien plus trempé qu'il ne pourrait y paraître à première vue, elle se rebiffe quand même..."Ca ne me déplaît pas, dans le fond. Même si c'est un peu humiliant de ne pas pouvoir parler d'un album sans évoquer Jacques."

Ceci dit cette vision me semble totalement fausse. L’œuvre de Françoise n'a jamais été confondue avec sa vie de couple. Les journalistes aiment à explorer les potins de la vie privée de concert avec un article de promotion sur un album à paraître. Comme Françoise a toujours accepté d'en parler, c'est pain béni pour eux.

Par ailleurs dans la seconde moitié des années 60 c'est Jacques qui était vu comme le compagnon de Françoise plutôt que l'inverse. Tout est une question de préséance au niveau du vedettariat du moment. Aujourd'hui tant Jacques que Françoise sont tombés dans le domaine public, c'est à dire qu'ils sont devenus indissociables dans l’inconscient collectif comme l'est la tour Eiffel de Paris.

Si Françoise se plait bien dans ce rôle c'est aussi parce que c'est en adéquation avec sa personnalité aux tendances masochistes à la façon de l'héroïne d'histoire d'O.

J'avais hésité à poster des extraits du livre de Valérie Domain à cause d'un angle d'approche que je trouvais ouvertement misogyne mais finalement le livre est sauvé par son sous-titre "Portraits de femmes d'influence" donc tout n'est pas aussi manichéen qu'il y paraît.

Ceci dit cette vision me semble totalement fausse. L’œuvre de Françoise n'a jamais été confondue avec sa vie de couple.
J'acquiesce totalement: pour moi, ils sont égaux, comme le noir et le blanc, l'eau et le feu ... Pour chacun, il y a l'oeuvre et leur vie de couple. On aime les voir ensemble, mais ( à part ce qu'ils ont fait en commun) leurs carrières sont séparées. Il avait ses copains, elle avait ses amis: 2 mondes qui se recoupaient rarement.

Par ailleurs dans la seconde moitié des années 60 c'est Jacques qui était vu comme le compagnon de Françoise plutôt que l'inverse.
Ici, Jérôme, je ne te suis pas: dès son 1er album en 66 ( et moi, et moi, et moi ) il était devenu une vedette. Avec 5H Paris s'éveille, c'est l'apothéose en 68. Il n'était pas du tout perçu comme second par rapport à Françoise. Un sondage chez les "vieux" qui furent jeunes à cette époque pourrait le démontrer.

Si Françoise se plait bien dans ce rôle c'est aussi parce que c'est en adéquation avec sa personnalité aux tendances masochistes à la façon de l'héroïne d'histoire d'O.
Moi, je dirais plutôt qu'elle aime se plaindre. Elle a eu une mère ainsi qu'une grand-mère à fortes poignes et cela à laissé des traces. Il ne m'étonnerait pas qu'elle ait fait une analyse à ce sujet. En réaction, elle a hyper couvé son fils...
En tout cas, je ne la vois pas du tout dans un rôle de JUSTINE.
Ni Jacques dans celui de l'un de ses tortionnaires. Aurait-elle pu écrire comme titre de sa bio : "Françoise ou les malheurs de la vertu" au lieu du poétique "désespoir des singes ... "

Luc, il me semble que tu confonds "Justine" de Sade et "Histoire d'O" de Pauline Réage....

Françoise Hardy a toujours clamé sa fascination pour "Histoire d'O". Elle a d'ailleurs chanté la "chanson d'O" en 1971 (album La question).

Ce qui fascine Françoise n'est pas tant le sadomasochisme physique que le fait de vouloir complètement appartenir à l'autre, le don absolu de soi !

Rien à voir avec les sévices décrits par Sade !

Non, je n'ai pas confondu: ce sont deux histoires salaces avec pour Justine un relent philosophique, et une qualité de langage aristocratique très fin de régime.
Pour histoire d'O, je n'ai vu que le film il y a bien 30 ans de cela. J'ai adoré la photographie très "David Hamilton" fort à la mode à l'époque.
Il est vrai que pour Sade, il n'y a pas abandon alors que c'était le cas pour histoire d'O. Histoire d'O est plus soft, mais pas du tout philosophique.
Il a fallu longtemps avant qu'on ne sache que c'était une femme qui avait écrit ce livre.
Je ne savais pas que Françoise était fascinée par ce film. Et je ne me souviens pas qu'elle en ait parlé dans sa bio. Merci pour l'info, c'est important dans la compréhension que l'on peut avoir de quelqu'un qu'on apprécie.

Luc, sans vouloir polémiquer je te trouve d'une certaine mauvaise foi inconsciente...
J'imagine que tes écrits ne reflétais pas tout à fait ta pensée mais.... si dans ton esprit les deux livres n'ont rien à voir l'un avec l'autre, tu es tout de même celui qui à la lecture semble avoir tissé un lien assez net entre Histoire d'O et Justine... (Relis-toi...)

De mon côté, je n'évoquais que le masochisme de Françoise à la façon d'Histoire d'O puisque la fascination de Françoise pour le livre (elle ne parle jamais du film) a été plusieurs fois relaté par ses soins y compris dans sa propre biographie. Elle était toute émoustillée à l'idée de rencontrer Pauline Réage pour dresser son portrait astrologique.

Par ailleurs, si tu lis la bio en ligne (année 1971) tu trouveras ce paragraphe :
Le titre Chanson d'O, tout en chuchotement et en onomatopées, se veut érotique. "A l'époque, j'étais folle d'Histoire d'O. Un livre magnifique avec une langue magnifique, sur un thème qui m'a beaucoup touchée. Ca va beaucoup plus loin que l'érotisme, puisqu'il parle en réalité de frustration et d'amour fou et de frustration par rapport à l'amour fou". Un parallèle avec la vie d'alors de la chanteuse est facile à établir.

Plus loin, année 1978, tu trouveras :
Mais la rencontre la plus marquante a lieu en mai avec Pauline Réage, l'auteur d'histoire d'O, l'un des livres préférés de Françoise Hardy. Elle raconte : "J'avais lu le petit livre où Régine Desforges l'interviewait, et au travers de la modestie, de la sobriété, de la discrétion, de la volonté d'effacement qui s'en dégageaient, j'avais supposé que Pauline Réage était marquée d'une façon ou d'une autre par le signe de la Vierge, et je ne m'étais pas trompée. C'était pour moi un événement qu'elle accepte de me recevoir et de parler avec moi et j'ai eu un trac fou."

Oui, je reconnais à la réflexion que j'ai émis un avis un peu trop rapidement dans ma première réaction.
Maintenant, y a-t-il une différence entre le livre et le film ?? L'un n'est-il pas le reflet fidèle de l'autre ? Je n'en sais personnellement rien.
La chanson d'O est aussi très belle.
Merci de m'avoir mis cet extrait de Françoise.
S'il s'agit de "frustration par rapport à l'amour fou", alors c'est bien ce qu'elle a vécu et c'est en partie ce que l'on voit dans le film.

C'est curieux d'avoir envie d'écrire un livre d'interviews sur le thème "femmes de, filles de".

Concernant l'interview de Françoise, on relève quand même une déclaration assez hypocondriaque, excessive et malheureusement typique de la dame : "Je suis en morceaux"...

Même si je ne nie pas qu'elle puisse avoir des problèmes de santé, un peu de pensée positive de temps à autres ne pourrait que lui faire du bien.