Françoise Hardy – interview exclusive pour son album et son livre « L’amour fou »
A l’occasion du deuxième single extrait de son album « L’amour fou », Françoise Hardy à bien voulu répondre à quelques questions pour les internautes de Flash-News.
Tout d’abord Françoise je tiens à vous remercier pour le temps que vous voulez bien m’accorder pour cette interview. Vous avez dit récemment que vous aimeriez vous réincarner « en plus intelligente au niveau amoureux », mais l’amour, la passion, n’est-ce pas justement d’être dans l’irraison … ?
J'ai seulement dit que si réincarnation il y a, je serais certainement plus avisée sur le plan amoureux que dans l'incarnation actuelle, grâce à tout ce que j'aurai appris dans ce domaine.
L’amour fou n’est-ce pas en définitive comme un seul mot ?
S'il s'agit du sentiment amoureux, c'est en effet un pléonasme. Il existe quand même des êtres équilibrés capables d'aimer avec beaucoup de profondeur et sans folie, sans demande et sans attente démesurées.
Pensez-vous que « l’amour fou » est un « amour vrai » ?
Comme l'a si bien dit Sándor Márai (1) l'amour fou n'est souvent qu'un immense égoïsme.
Est-ce que le mot « langueur » peut vous être attribué ?
Certainement pas. J'ai toujours été passionnée et active, mais la maladie m'oblige à être de plus en plus alitée, ce qui n'est pas la même chose qu'"alanguie".
Votre album porte une atmosphère dont on s’imprègne subtilement dès l’ouverture avec « L’amour fou » histoire chantée - parlée qui a donné son nom à l’album, d’où ma question : le premier titre d’un disque est-il le plus difficile à faire, en sachant qu’il va donner l’essence des morceaux qui suivront ?
Je n'ai rien cogité. Il s'est trouvé que j'ai reçu la mélodie de cette chanson en premier et que son titre m'a paru un bon titre pour l'album. Si je n'avais pas reçu cette mélodie qui m'a inspiré le texte que vous connaissez, l'album aurait eu un autre titre, mais pas vraiment une autre direction puisque je suis tributaire des mélodies que je reçois et que celles qui m'ont plu étaient en majorité lentes et sentimentales. Le hasard, si tant est qu'il existe, a bien fait les choses.
« Rendez-vous dans une autre vie », votre nouveau single extrait de l’album risque de devenir une chanson accompagnant beaucoup de personnes dans leur dernier voyage, tant elle est véridique, cela vous fait-il quelque chose de savoir que votre voix sera peut-être la dernière sensation musicale à l’entrée du pont levis vers un autre monde ?
Je ne crois pas du tout que ce sera le cas, sauf exception. D'autant moins que la chanson est un flop complet qui n'a bénéficié d'aucune programmation radiophonique.
Comment l’idée d’enregistrer « Si vous n’avez rien à me dire », le poème de Victor Hugo vous est-elle venue à l’idée, était-ce un texte que connaissiez depuis longtemps.
C'est Bertrand Pierre, le compositeur, qui m'a envoyé son enregistrement sur son propre album que personne n'a entendu, dans l'espoir que je reprenne sa chanson. J'ai attendu 2/3 ans avant de me décider.
Vous n’avez pas écrit de mélodie depuis 1982, car vous trouvez que vous n’avez plus assez d’inspiration musicale, mais, ne vous arrive-t-il quand même pas de temps en temps de vous dire « tiens, j’ai une mélodie dans la tête qui me plait beaucoup ».
Non.
Diriez-vous que la chanson est votre respiration ?
Non. Ce n'est pas ma façon de m'exprimer.
Vous le diriez comment ?
La chanson n'est pas une respiration, c'est un moyen d'expression des émotions qui aura été un grand exutoire pour moi, une façon essentielle de sublimer mes tourments.
A un moment vous avez enregistré des titres comme « Dame souris trotte », « Etonnez moi Benoit », « Assiette niet » ou encore « Les doigts dans la porte », qui flirtaient avec l’humour, or actuellement, il n’y a plus ces petites perles surprenantes dans vos disques, est-ce un choix, ou est-ce une absence par un manque de rencontres mélodiques ?
Aucune des chansons évoquées que j'ai enregistrées pour des raisons amicales ne me touche. Je préfère de loin l'humour que j'avais mis dans des chansons comme « Où est-il ?, L'Éclairage, Pardon, J'ai coupé le téléphone... » Ou, plus récemment, « Mode d'emploi et Les madeleines... ».
Vous avez reçu de multiples récompenses, la Socam au Canada, le Coq d’or au Brésil, le prix Diamant en France, le Grand Prix en Hollande, un autre en Italie, celui de la Sacem, deux Victoire de la Musique … est-ce à chaque fois, une émotion, un plaisir ou alors restez-vous indifférente ?
J'aurais aimé avoir une Victoire en 2013, pour relancer mon dernier album que je considère comme l'un de mes meilleurs et qui, faute de programmation radiophonique, n'aura finalement vécu que deux mois avant d'être mort et enterré en toute discrétion (2).
Votre premier duo sur disque date de 1971 avec « T’es pas poli » partagé avec Patrick Dewaere, depuis il y a eu Georges Moustaki, Alain Delon, Jacques Dutronc, Rodolphe Burger, Henri Salvador, Julio Iglesias, Alain Lubrano, Blur, … si vous deviez en retenir un ce serait lequel ?
« My beautiful demon » avec Ben Christophers. Et j'ai adoré le moment passé avec Bashung lors de l'enregistrement de « Que reste-t-il de nos amours? ».
Est-il envisageable de vous entendre un jour en duo avec votre fils Thomas ?
Cela friserait le mauvais goût, je crois. Il va avoir 40 ans et moi 70. Qu'il continue à faire des duos aussi actuels et intéressants que ceux avec la talentueuse Imelda May qui a son âge.
A votre avis, pourquoi tant de grands mélodistes comme Michel Berger, Serge Gainsbourg, Michel Jonasz et d’autres, ont voulu travailler avec vous ?
Accepté plus que voulu. Sans doute parce qu'ils m'appréciaient plus ou moins. Je suis allée de moi-même vers Serge et vers Michel Berger.
Michel Jonasz aussi.
En ce qui concerne Michel Jonasz, c'était une demande de Gabriel Yared.
Dans ce qui est appelé communément « la nouvelle génération », vous avez travaillé avec Julien Doré (BB Baleine sur son album « Bichon », et « Normandia » sur le vôtre), avec qui, à part lui, aimeriez-vous un jour collaborer ?
J'adore Rover, mais nous n'avons pas de points communs évidents et le décalage est trop important sur trop de plans pour qu'il ait une mélodie à me proposer.
Votre roman « L’amour fou » est comme une introspection que beaucoup, hommes ou femmes, peuvent faire à un instant de leurs vies, le fait de l’avoir publié vous a-t-il « soulagé » de certains poids ?
Pas du tout. Je ne voulais pas publier au départ et seule l'écriture de ce texte m'a soulagée. Le fait que ce soit publié m'empêche d'ouvrir le livre, tellement j'ai peur de constater que tout est encore perfectible ou de découvrir des "coquilles"...
L’écriture est fine, ciselée, précise, reflète-t-elle ce que vous ressentiez à certains moments, ou ces moments-là, étaient-ils comme des tempêtes dans votre inconscient ?
Il y a la forme, travaillée et retravaillée sans cesse. Et il y a le fond qui exprime mon ressenti et une grande partie d'un vécu particulièrement douloureux.
Vous dites que vous l’avez beaucoup travaillé, auriez-vous, aimé le modifier encore, ou l’enrichir d’un autre chapitre ?
Un autre chapitre, sûrement pas. Le perfectionner encore : sans doute si cela avait été dans mes possibilités.
Il fait moins de ventes que votre autobiographie (3) mais il a été bien classé dans les ventes, en êtes-vous satisfaite ?
J'ai été contente des ventes du livre, mais extrêmement déçue qu'aucun critique littéraire n'ait condescendu à en parler - en bien ou en mal.
C'est à dire ?
Ce livre a été purement et simplement ignoré par la presse spécialisée, écrite ou parlée. Et je trouve que ce n'est pas normal du tout. Dans de telles conditions, les ventes de ce livre sont un véritable exploit !
Vous avez la plume affûtée, que ce soit dans vos livres ou vos chansons, quand pensez-vous avoir eu le déclic de l’écriture ?
Jamais. Je n'ai jamais eu le déclic de l'écriture.
Et celui de chanter ?
Celui de chanter oui, mais pas celui d'écrire.
En 2008, au moment de la parution de votre biographie « Le désespoir des singes et autres bagatelles », vous aviez déclaré ne pas envisager d’écrire un roman, mais justement, après ce premier roman « L’amour fou », n’avez-vous pas dans un coin de vous-même l’envie de recommencer à vous mettre devant une page blanche pour une nouvelle histoire ?
« L'amour fou » est plus un récit qu'un roman. Je m'y livre, finalement, davantage que dans l'autobiographie. Je ne suis pas romancière et me sens incapable d'écrire quoi que ce soit d'autre.
Pour conclure cet entretien, je dirai que votre voix à toujours distillé une douceur et un charme « fou », avec le recul de vos 50 ans de carrière, pensez-vous que vous auriez fait le même parcours, ou rencontré le même succès, si vous n’aviez pas eu cette fragilité séduisante ?
Avec des si...
Il est évident que si je n'avais pas été ce que je suis, j'aurais bien sûr fait une autre carrière ou pas de carrière du tout.
Merci Françoise pour cet entretien avec cette franchise qui vous caractérise, et merci aussi pour cet album sublime que vous nous avez offert.
:
(1) Sándor Márai - Ecrivain et journaliste hongrois 1900/1989
(2) L’album « L’amour fou » disque d’or depuis le mois de décembre 2012, devrait bientôt être certifié disque de platine, phénomène assez rare à notre époque pour le souligner.
(3) « Le désespoir des singes et autres bagatelles » 450 000 exemplaires vendus.
(interview michel p. / copyright flash-news) : http://flash-news.over-blog.com/article-francoise-hardy-interview-exclusive-pour-son-album-l-amour-fou-116324246.html