La musique ne peut pas tricher (Dernier extrait)

En 2005 Françoise Hardy accordait une interview à Cécile Wajsbrot pour la revue annuelle Fusées.

Cécile Wajsbrot : "La chanson "Un air de guitare", qui figure sur votre dernier album, décrit une sorte de lutte entre les mots et la musique. Le texte laisse paraître une méfiance vis-à-vis du langage, "poudre aux yeux", "grands mots qui vous noient dans l'égo" tandis que la musique donne "un parfum d'espoir", "une éclaircie". Dans la chanson, c'est la guitare qui a le dernier mot ! Ressentez-vous cette lassitude, parfois, vis-à-vis des mots _ de la parole _ une certaine vacuité, et une plus grande capacité de la musique à exprimer l'émotion ?"

Françoise Hardy : "On peut tricher avec les mots, mentir, manipuler et même quand on dit ce qu'on pense, on est souvent mal compris. On a beau parler la même langue, on n'a jamais le même langage et le filtre des émotions, des frustrations, des projections, etc. déforme à notre insu ce que l'autre nous dit, de la même façon qu'il fausse notre propre vision. Je l'aurai constaté toute ma vie, en particulier avec les journalistes qui, même quand ils sont très bien intentionnés, dénaturent vos propos sans s'en rendre compte avec une bonne foi renversante. A l’inverse, la musique ne peut pas tricher : elle est bonne ou elle est mauvaise et quand elle est bonne, elle est beaucoup plus l'expression de l'âme que celle de l'intellect et c'est à l'âme qu'elle s'adresse. Tant de gens se gargarisent avec des mots pour se sentir meilleurs, plus grands qu'ils ne sont, alors que devant la musique on se sent tout petit et pourtant on est heureux car la musique vous connecte à une dimension qui dépasse la condition humaine."

On retrouve bien dans ses propos l'engouement spontané de FH vis-à-vis de la mélodie Vs textes. Comme elle le dit, fort à propos après une longue illustration, à l’inverse, la musique ne peut pas tricher. Je la rejoins complètement dans le sens où la mélodie nous prend (ou pas) aux tripes et l'âme se régale, pour la paraphraser . Sa dernière phrase mérite la méditation car, à mon sens, elle en dit long sur la nature humaine et reflète bien la philosophie du contexte

La musique invite à l'humilité et les mots à la vanité. Mon inclinaison à la contemplation se retrouve pleinement dans cette "maxime", réductrice mais en même temps si pleine de vérité.  

J'aime beaucoup la profondeur de la fin de l'article. Ca sent le vrai, le vécu, le ressenti. On est loin de l'exaltation d'aujourd'hui autour des valeurs vides de la télé réalité.