Françoise Hardy et ses copains d'avant
Par Olivier Nuc
Publié le 15/11/2013 à 19:50
INTERVIEW - La chanteuse évoque l'album
Message personnel, énorme succès qui lui a permis de rompre définitivement avec le mouvement yé-yé.
LE FIGARO. - Vous n'êtes pas connue pour votre goût pour votre travail passé. Pourquoi cette réédition?Françoise HARDY. - À partir du moment où on a un parcours conséquent, on est accablé de demandes de compilations. Ce n'est pas quelque chose qui m'intéresse fondamentalement, mais, Dieu merci, on me laisse le choix. J'ai accepté cette proposition parce qu'il s'agissait de faire un bel objet agrémenté de documents inédits. Alors j'ai pu intervenir.
Message personnel est-il un album auquel vous êtes particulièrement attachée?Je suis surtout attachée aux deux chansons que m'a écrites Michel Berger dans ce disque. J'aime moins les autres. Mais, en les réécoutant, je me suis dit que j'avais été sévère. Je persiste à dire que c'est un disque qui manque d'homogénéité, où on sent qu'il y a des chansons qui sont venues se greffer là parce qu'on n'avait rien d'autre à se mettre sous la dent. Mais ce n'est pas un mauvais album, globalement.
Michel Berger était alors connu pour son travail avec Véronique Sanson. Connaissiez-vous sa musique?En écoutant le premier album de Véronique, j'ai eu le sentiment que toutes les chanteuses qui l'avaient précédée étaient larguées, moi y compris. Elle apportait quelque chose de totalement nouveau dans la façon de chanter, par son placement rythmique, sa façon de s'accompagner au piano.
Avant cette rencontre avec Berger, vous pensiez votre carrière terminée?Je pataugeais littéralement. Mes deux albums précédents -dont j'étais très fière- n'avaient absolument pas fonctionné. Je ne savais pas du tout dans quelle direction aller. Des contacts avaient même été pris avec Claude François, qui avait une maison de disques. Puis Jean-Marie Périer m'a conseillé d'aller voir Michel Berger, qui m'impressionnait beaucoup. Il a organisé la rencontre: Michel a déboulé un soir, avec Véronique, dans l'appartement que j'occupais rue Saint-Louis-en-l'île. J'étais fascinée par ce couple, qui s'est disloqué peu de temps après.
Avec ce disque, vous rompez définitivement avec les yé-yé, dix ans après Tous les garçons et les filles...Je n'ai pas honte du tout d'avoir appartenu à ce mouvement. Au moins, ces chanteurs qualifiés de yé-yé avaient le sens de la mélodie. Ce qui se perd de nos jours. Si
Message personnel est un souvenir mitigé pour moi, c'est parce que j'avais conscience que la manière de chanter de Michel n'était pas la mienne. Je chantais sur les temps, à la française, n'ayant aucune éducation musicale. Les difficultés ont surgi en cours de route. L'exigence de Michel me faisait un peu peur.
Était-il si tyrannique qu'on a pu le dire?Disons qu'il n'était pas patient. Lorsque ma mise en place laissait à désirer, il était hors de lui. Et je ne voyais pas comment améliorer les choses.
Comment s'est construit l'album?Il m'a demandé d'écrire la partie parlée en introduction de
Message personnel, qu'il avait composée. Ça raconte exactement ce que je vivais à cette époque et que j'ai vécu toute ma vie, d'ailleurs. J'ai passé ma vie à écrire des textes sur ce même thème. Les autres chansons sont arrivées parce qu'on était pris de court, celles de Serge Gainsbourg et de Georges Moustaki notamment. Je me suis un jour retrouvée dans l'appartement de Georges, avec Michel Berger et Michel Bernholc, orchestrateur du disque. Nous nous sommes mis pieds nus, et au bout d'un moment une odeur pestilentielle a envahi la pièce. Ça venait d'un des deux Michel, mais je ne sais toujours pas lequel.
A-t-il été question que Michel Berger écrive toutes les chansons du disque?Dès le début, il m'avait prévenu qu'il n'en ferait que deux. J'aurais préféré qu'il écrive tout: ses deux titres sont très au-dessus. Il faisait plein d'autres choses, ce qui m'avait un peu effrayé, à l'époque. Et iI avait une vie personnelle très agitée. Je me souviens d'un rendez-vous chez lui. En arrivant dans l'entrée de l'immeuble, on entendait le disque de Véronique, qu'il écoutait à fond. Elle était partie et il avait un chagrin immense. Je me sentais décalée par rapport à lui. France Gall, qu'il a rencontrée juste après, lui correspondait plus que moi. Et puis, elle présentait l'avantage d'être libre, sentimentalement. Moi, j'étais désespérément folle de Jacques.
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