Interview de Françoise Hardy par Michel Vial pour CultureBox
Mis à jour le 20/06/2016 à 10H23, publié le 17/06/2016 à 19H59
Françoise Hardy, l'interviewNous aimons Françoise Hardy depuis un bon demi-siècle. Depuis le temps de notre adolescence lorsque, séduits d’emblée par le charme de la jeune fille rêveuse et distante, nous étions également touchés par son expression diffuse de l’irrémédiable mélancolie de la vie. Elle n’avait que 23 ans quand elle a enregistré « Ma jeunesse fout le camp ».Après avoir été tellement inquiets pour elle l'année dernière, à un point tel que nous ne pensions plus la revoir jamais, c'est peu de dire que nous étions heureux de la retrouver ce mardi là, dans le studio "Labomatic" de Dominique Blanc-Francard.
Elle a vraiment l'air d'être radieuse, détendue, enjouée. Et elle parle de ses graves ennuis de santé avec détachement et une verve joyeuse : "J'étais aux portes de la mort". Elle évoque ainsi son époux qu'elle appelait il y a un an son "veuf imminent", et leur compétition drolatique pour savoir qui survivrait à l'autre. "Plus les choses sont dramatiques, plus je pense à la chanson de Paul Misraki "Tout va très bien Madame la Marquise". Quand il y a une succession de choses pires les unes que les autres, je ne sais pas pourquoi, ça déclenche mon hilarité ! " assure t-elle dans un éclat de rire.
Réédition de certains de ses albumsLa voici aujourd'hui "en promotion", heureuse de parler d'abord de la réédition de certains de ses anciens albums, en particulier son premier album anglais orchestré par le talentueux Charles Blackwell, avec des chansons très "pop anglo-saxonne" qu'elle avait écrites et dont elle est très fière comme "All over the world" ("Dans le monde entier") ou "However much" ("Et même"), cette dernière très marquée par le son Phil Spector. Des titres à (re)découvrir pour comprendre la place qu'occupe leur interprète au coeur de la musique populaire.
It's a teenager dream : un rêve d'adolescentHeureuse de parler ensuite de l'album singulier produit par l'un des meilleurs ingénieurs du son et arrangeurs français, Dominique Blanc-Francard. Comme le titre le suggère, le projet réalise un rêve d'adolescent, choisir 15 chansons qui lui ont donné envie de consacrer sa vie à la musique et les faire enregistrer par des artistes d'aujourd'hui avec les techniques actuelles mais en respectant les couleurs et les arrangements de l'époque d'origine.
Françoise Hardy en 1963 © DALMAS/SIPA
On retrouve notamment sur ce disque des interprètes à contre emploi, Benjamin Biolay ("That's allright" d'Elvis Presley), Elodie Frégé ("I only want to be with you" de Dusty Springfield), Adamo ("Stand by me" de Ben E King dans la reprise de John Lennon) ou d'autres davantage dans leur registre, Carla Bruni ("To know him is to love him" des Teddy Bears), Stephan Eicher ("My funny Valentine") ou Hubert Mounier, sa reprise du "You're sixteen" de Johnny Burnette demeurera l'ultime enregistrement du fondateur de L'Affaire Luis Trio, décédé en Mai 2016.
Françoise Hardy "True love ways"Françoise Hardy, sollicitée dès le début du projet en 2014 choisit d'emblée "True love ways" de Buddy Holly. Elle préfère reprendre cette chanson au "Bye Bye Love" des Everly Brothers assuré sur l'album par Jean-Louis Aubert. A l'époque de ses débuts et de ses premières télévisions, l'adolescente timide qui apprenait quelques rudiments de son futur métier au Petit Conservatoire de la Chanson de Mireille était bercée par toutes ces chansons d'outre Manche et d'outre Atlantique portées par des radios anglaises, les Cliff Richard, Marty Wilde et autres Paul Anka, autant de chansons qui lui ont aussi donné envie de consacrer sa vie à la musique et qu'elle a utilisées comme la chambre d'écho de son propre coeur. Un coeur volontiers mélancolique qui allège ses angoisses en les exprimant. "True love ways" fut le cadeau de mariage de Buddy Holly Holly à son épouse Maria Elena. A la fois joyeux et mélancolique, le titre ne pouvait que plaire à Françoise Hardy dont les mélodies subliment aujourd'hui encore les bleus à l'âme et les aléas de la vie.
Carrière magnifique et vie personnelle cabosséeQuand on lui demande si elle a des regrets sur son parcours professionnel, elle répond "des déchets", n'ayant pas envie de réentendre des chansons qui ont pu être gâchées par une mauvaise production. Son parcours personnel plus cabossé ? -"S'il n'avait pas été cabossé, je n'aurais pas pu écrire des chansons !" confirme l'artiste dont le travail d'auteur constitue la seule justification de son métier. Parce qu'elle était handicapée par son émotivité, elle l'aura pratiqué sans la scène, abandonnée en 1968.
Françoise Hardy en 1978 © DUPONT CATHERINE/SIPA
Aujourd'hui, malgré sa bonne forme retrouvée, elle n'a plus très envie de se remettre à écrire des chansons, consciente d'avoir fait le tour de la passion de sa vie et d'avoir donné le meilleur d'elle même. -"J'ai l'impression d'avoir tout dit... Et puis je trouve qu'il faut savoir s'arrêter aussi" affirme t-elle sans amertume. Mais qui sait, devant une belle mélodie qui exalterait la tristesse élégante de son univers ? Reste qu'elle préfère désormais défendre les artistes qu'elle aime, et consacrer son temps à la musique et à la lecture.
En 27 albums publiés entre 1962 et 2012, Françoise Hardy s'est accommodée de son sentiment d'insatisfaction lié à son signe astrologique, elle est surtout demeurée telle qu'en elle même, une figure hors mode et hors temps de la chanson.
EN RESUMEAlbum : "It's a teenager dream" (Parlophone France)
Livre : "It's a teenager dream" ou "Itinéraire d'un ingénieur du son" de Dominique Blanc-Francard & Olivier Schmitt (Editions "Le mot et le reste")
Play-list : quelques chansons de Françoise Hardy à réécouter - "Ma jeunesse fout le camp", ""A quoi ça sert", "Soleil", "L'amitié", "Message personnel", "Partir quand même", "Tant de belles choses"...
Source : http://culturebox.francetvinfo.fr/musique/chanson-francaise/interview-francoise-hardy-j-etais-aux-portes-de-la-mort-241485