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Françoise Hardy : « J’étais en train de mourir et j’ai ressuscité »
La chanteuse vient de publier un nouveau livre dans lequel elle raconte son combat victorieux contre la maladie.
« J’en suis venue à me dire que la réincarnation était une nécessité. On apprend si peu de choses au fil d’une vie, finalement. Comment expliquer autrement que certains jouent magnifiquement du piano à 4 ans ? On se dit que ce sont des êtres qui ont été préparés dans une ou plusieurs vies antérieures. »Atteinte d’un lymphome, Françoise Hardy a été hospitalisée en 2015 en raison de complications. Elle a alors passé trois semaines entre la vie et la mort avant d’être remise sur pied par un traitement de la dernière chance. Son nouveau livre (1) dévoile les coulisses de ce combat pour la vie.
LE FIGARO. - Pourquoi avoir écrit ce livre ? Françoise HARDY. - Quand on réalise d’où on revient, on se dit : « Pourquoi ce sursis ? » J’avais l’âge que j’avais, je ne voyais pas très bien ce que je pouvais faire de plus en chanson, ni dans d’autres domaines. L’astrologie, je suis arrivée à une certaine limite. Il y a toujours des progrès à faire mais je sentais que je ne pourrais pas aller plus loin dans cette vie-là. Et puis mon fils Thomas est adulte. Je me disais : «À quoi puis-je être utile ? » Au moment d’écrire ce livre, je me suis laissé aller au fil de ma réflexion. Raconter une situation en amène une autre, c’est ça qui était agréable pour moi.
Était-il important de reprendre une activité rapidement après votre hospitalisation ? En reprenant conscience, je me demandais ce que j’allais pouvoir faire en sortant. Je ne savais même pas dans quel état je serais. Au début, je n’arrivais pas à me lever. Je n’ai pas pu le faire pendant au moins trois mois. Quand j’ai un problème, je n’arrive jamais à m’imaginer qu’il va s’atténuer, que les choses vont s’améliorer. À un certain moment, quand j’ai commencé à entrevoir ce qui m’arrivait, le soir, seule dans ma chambre, je réalisais l’ampleur du désastre. J’avais ce cauchemar en tête, que je n’ai raconté à personne à part au cardiologue de Jacques (Dutronc, NDLR). Cet enfermement dans une boîte et cette angoisse atroce de l’imminence de la mort m’ont fait penser à un point de départ. Je l’aborde dès le premier chapitre.
Votre ouvrage dévoile votre intérêt pour la science.
Je ne sais pas pourquoi je m’en suis sortie vraiment. J’ai vraiment envie de comprendre le b-a ba de la physique. Si je n’avais pas eu ces problèmes, jamais on ne m’aurait parlé de ce médecin qui pratique la médecine quantique. Alors je suis allé lire des ouvrages de Trinh Xuan Thuan, notamment L’Infini dans la paume de la main, qu’il a écrit avec Matthieu Ricard et qui est remarquable. Il y a dedans des choses que je n’ai pas encore comprises. Je ne savais rien des lois de l’infiniment petit. Malgré tout ce que les physiciens ont découvert, 95 % de l’univers nous reste inconnu. Et on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé avant le big bang. Tout cela me fascine, et il y a des connexions à faire avec la spiritualité.
La notion de réincarnation est-elle compatible avec l’approche scientifique ? Cela n’a rien à voir. Mais bizarrement, au fil de l’écriture de ce livre, j’en suis venue à me dire que la réincarnation était une nécessité. On apprend si peu de choses au fil d’une vie, finalement. Comment expliquer autrement que certains jouent magnifiquement du piano à 4 ans ? On se dit que ce sont des êtres qui ont été préparés dans une ou plusieurs vies antérieures. C’est en lisant un livre de Cyril Scott sur la musique qui dit que les grands compositeurs sont connectés à une autre dimension que j’ai creusé le sujet. J’en ai toujours été convaincue moi-même. Brahms luimême l’avait confié avant sa mort.
Vous avez des mots assez durs sur nos dirigeants au sujet de l’euthanasie. Pourquoi ? Il est inconcevable qu’en France on n’ait pas les mêmes droits qu’en Suisse, en Belgique ou aux Pays-Bas. On n’a pas les mêmes droits que les chiens et les chats sur ce sujet ! Lorsqu’ils deviennent trop malades, on abrège leurs souffrances. Les divers politiciens qui n’ont pas voulu aller jusque-là avaient peut-être des motifs différents. Peut-être qu’ils craignaient des manifestations comme celles qui ont accueilli le mariage gay. François Hollande aurait dû appliquer les deux en même temps : le mariage gay et l’euthanasie, comme ça on aurait fait d’une pierre deux coups. Je suis sûre que de nombreux croyants sont favorables à l’euthanasie. Quand on voit quelqu’un en phase terminale… Ces médecins ne se font pas payer pour le faire… Je trouve que ce sont des gens simplement humains. Savoir qu’on peut avoir recours à ça est un confort très important.
« Malgré tout ce que les physiciens ont découvert, 95 % de l’univers nous reste inconnu. Et on ne sait toujours pas ce qu’il s’est passé avant le big bang. Tout cela me fascine, et il y a des connexions à faire avec spiritualité»
Vous rendez largement hommage à votre fils Thomas Dutronc au fil du livre. Il était là lorsque le médecin l’a appelé pour lui dire que ma fin était proche et qu’il fallait faire revenir son père le plus vite possible. C’était pour leur demander l’autorisation de m’administrer une chimiothérapie. J’étais en train de mourir et j’ai ressuscité, c’est incroyable, n’est-ce pas ? J’ai repris goût à la vie très rapidement. Thomas a toujours été très délicat. À un certain moment, je ne voulais voir personne à part lui.
Jacques Dutronc va reprendre la route avec les Vieilles Canailles. Qu’en pensez-vous ? Je suis contente pour lui. Il avait peur que cela ne se fasse pas. Il a vraiment besoin de sortir de son isolement, de faire quelque chose. Je n’avais pas vu le spectacle à Paris - je n’en vois plus aucun à part ceux de Thomas - mais on m’a dit que Johnny avait une attitude très protectrice envers Jacques, façon grand frère. Alors que Jacques est son aîné de deux mois, quand même !
(1) Un cadeau du ciel…, Éditions des Équateurs, novembre 2016.