En septembre 1993, Eric Chemouny et Patrick Robert Galéra du magazine Platine invitent Françoise Hardy à se pencher sur sa carrière dans une conversation à bâtons rompus.
A propos d'Asparagus
Platine : Avec la création d'Asparagus, distribué par Vogue, vous devenez, dès 1967, votre propre productrice. Qu'est-ce qui a motivé cette démarche originale pour l'époque ?
Françoise Hardy : Wolfsohn avait pressenti que les chanteurs allaient vouloir être de plus en plus indépendants. C'est donc lui-même qui m'a proposé de créer une maison de production. J'ai d'abord été très séduite, puis j'ai réalisé que c'était un piège : le PDG de Vogue, Louis Cabat, appartenait aussi à cette société de production et à eux deux, ils possédaient la majorité des parts. Cela a donné lieu à bien des tracasseries, des procès.
Platine : Le son de vos albums a néanmoins fortement évolué à cette époque…
Françoise Hardy : Oui, car j'ai obtenu – difficilement – d'aller enregistrer à Londres. A mes débuts déjà, j'avais eu bien du mal à obtenir des cordes sur "Le premier bonheur du jour" ou "L'amour s'en va", sous prétexte que les précédents disques avaient eu du succès sans recours aux cordes. C'est Richard Anthony, avec qui j'étais partie en tournée, qui m'avait conseillé d'aller comme lui enregistrer à Londres. Dès lors, les arrangements comme la production ont été bien supérieurs. Et puis, j'ai eu la chance de travailler avec le musicien et arrangeur Charles Blackwell qui réalisait exactement ce que je rêvais d'entendre.
A propos de Sheila et Sylvie Vartan
Platine : Du coup, vous vous démarquiez de la production de vos copines Sheila et Sylvie. Quel regard portiez-vous sur leurs évolutions respectives ?
Françoise Hardy : Au début, les chansons de Sheila ne me touchaient pas. En revanche, jusqu'à la "Maritza" – que déjà je n'aimais pas trop -, il y a eu beaucoup de titres de Sylvie que j'aurais aimé interpréter, notamment ceux écrits par Tommy Brown et Micky Jones, et ceux de son frère Eddy aussi. Mais je trouve que par la suite, Sylvie n'a jamais évolué. Dans les années 80, Sheila, elle, a voulu rompre avec son passé, sans jamais le renier, en s'orientant vers des chansons plus sophistiquées, plus recherchées. Là j'ai commencé à m'intéresser à elle. Hélas, le public n'a pas toujours suivi…
Platine : N'avez-vous jamais été tentée d'écrire pour elles ?
Françoise Hardy : Non, j'ai pourtant été sollicitée par Sylvie elle-même à une époque
.... (à suivre) ....