5 questions à Françoise HardyAprès des années de combat à la dure contre la maladie, Françoise Hardy est revenue à la vie, forte d’une spiritualité profonde, et d’un inespéré nouvel album. À 74 ans, elle y raconte la souffrance, l’amour et l’acceptation de la fin, avec une émouvante élégance.
Comment vous est revenue l’envie d’enregistrer un disque ?En 2015, un œdème pulmonaire et un second décollement de plèvre avaient tellement endommagé ma voix déjà trop limitée que je ne pouvais plus chanter du tout. Il n’y a eu aucun «adieu», mais je pensais que quoi que je fasse, ce ne serait jamais aussi bien que mon dernier album, «L’amour fou», et qu’il était préférable d’en rester là. Et puis j’ai recroisé un ami, le producteur et compositeur
Erick Benzi (
Céline Dion, Goldman, ndr). Il m’a envoyé quelques compositions qui m’ont plu. Ma voix allait un peu mieux. Je me suis prise au jeu et j’ai recommencé à écrire en août dernier…
Vous vous définissez aujourd’hui comme une «miraculée». Ce sentiment vous a-t-il donné une nouvelle liberté dans l’écriture ?C’est un constat. En 2015, après trois semaines critiques dans le coma à l’hôpital, le médecin a téléphoné à mon fils pour lui annoncer que c’était la fin, et qu’il fallait faire revenir au plus vite son père de Corse. Depuis que je sais cela, je ne m’explique pas pourquoi je suis encore là. Sachant que deux de mes grandes amies d’un niveau élevé de spiritualité avaient mobilisé leur groupe de prières pour que je m’en sorte, j’en ai déduit que c’était une preuve de plus du pouvoir de la prière. Quand vous en êtes vous-même la bénéficiaire, c’est troublant.
Le disque s’appelle «Personne d’autre», comme l’une des chansons, qui parle «d’un amour aux yeux couleur de ciel». On pense forcément à Jacques Dutronc…Ce titre évoque le passé et ses éblouissements, ainsi que les altérations de la mémoire, les confusions fréquentes à un âge avancé entre présent et passé. Le texte est volontairement sibyllin mais la source en est bien sûr mon vécu, forcément présent encore, avec Jacques… C’est un fait que «personne d’autre» que lui n’aura été l’homme de ma vie, et c’est un grand privilège d’avoir eu ce cadeau.
Votre premier single, Le Large, a été écrit par la Grande Sophie. Comment l’avez-vous rencontrée ?Sophie et moi correspondons depuis que j’ai enregistré une chanson à elle, Mister, il y a plusieurs années. L’été dernier, je lui ai dit que je planchais sur des mélodies d’
Erick Benzi. Quand je suis rentrée à Paris, elle m’a mailé cette chanson qu’elle avait composée en une journée, et j’ai tout de suite su que ce serait le single de l’album. Toutes les collaborations sont venues naturellement, que ce soit avec
Maissiat ou
Yael Naim…
Les morts de Johnny Hallyday et France Gall semblent avoir redonné du lustre à la chanson française. Pensez-vous qu’elle n’est peut-être pas considérée à sa juste valeur ?On a regroupé sous le même terme de «variété» tout à la fois les chansonnettes éphémères, le rap et les grandes chansons aux mélodies intemporelles. Malheureusement, elles ont toujours semblé moins intéresser le grand public. Cette année,
Bernard Lavilliers a sorti
L’Espoir avec
Jeanne Cherhal, c’est une très grande chanson, peut-être la plus grande de 2017, mais on ne l’entend pas assez. Rappelons que la chanson est un art mineur, car c’est ainsi que l’on désigne tout art ne requérant pas d’initiation, et qu’il peut y avoir des chefs-d’œuvre dans un art mineur… et des horreurs dans un art majeur !
Personne d’autre, Françoise Hardy (Parlophone/Warner)Crédit photo : Hedi Slimane pour Vogue ParisPar Propos recueillis par Olivier Granoux le 06 Avril 2018
Source : https://www.vogue.fr/culture/a-ecouter/articles/5-questions-a-francoise-hardy-album-personne-dautre-musique/62250