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Tout le monde dit Françoise HardyPar Mathieu Alterman
Publié le 09/04/2018 à 11:01 | Le Point.fr
L'aura de la chanteuse yéyé dépasse les frontières de l'Hexagone au point que Bob Dylan, Blur et Emma Watson la citent en référence.
Quelle longévité ! À 74 ans, Françoise Hardy vient de publier son 28e album studio,
Personne d'autre. Même après plus de cinquante ans de carrière, l'idole des yéyés conserve une aura intacte, surtout à l'international où elle continue de fasciner. Dès ses débuts en 1962, à 18 ans, au sein des yéyés, la Française subjugue les artistes du monde entier qui voient en elle à la fois une icône mode et une chanteuse à la liberté totale. Elle incarne une modernité extraterrestre en ces années rose bonbon. Grâce à un long reportage dans
Vogue, photographiée par William Klein, les Américains rebelles ne rêvent que d'elle et laissent Bardot à leurs aînés.
En bas à gauche de la pochette d'album de Bob Dylan, on distingue le 45 tours de Françoise Hardy "Tous le sgarçons et les filles...".
DR
En 1964, Bob Dylan, alors nouveau phénomène de la scène folk, publie son quatrième album
Another Side et signe, au verso de la pochette, le poème « Some Other Kinds of Songs » où il écrit ces mots : « For Françoise Hardy at the Seine's edge... » Un an plus tard, il sort son nouveau disque
Bringing it All Back Home. À l'origine, sur la pochette du disque, on distingue (dans le coin en bas à gauche de la photo) le 45 tours « Tous les garçons et les filles ». La photo d'illustration de l'album de Dylan est finalement recadrée et Françoise Hardy disparaît du tableau. Mais elle entre tout de même dans la légende internationale. En 1966, Dylan, de passage à L'Olympia, s'entretient longuement avec elle et lui fait écouter en avant-première sa chanson « I Want You », sans que notre héroïne, très timide, n'y voie un message subliminal. Mick Jagger avait lui aussi succombé aux charmes de la jolie brune et il voit d'un mauvais œil que son fantasme se fasse ainsi courtiser par le barde américain. Il riposte en déclarant au magazine
Salut Les Copains en 1965 : « Elle est mon idéal féminin. » Françoise Hardy sourit mais garde la tête froide.
« Elle représentait le summum de la pin-up et elle était épinglée aux murs des chambres branchées de Chelsea. Mick Jagger et Brian Jones, John Lennon et Paul McCartney auraient aimé l'avoir pour fiancée », confiait Malcolm McLaren, manager des New-York Dolls puis des Sex Pistols au magazine
Trafic Musique, en 2003. Paul McCartney, plus introverti que Jagger, se lâche en 1976 sur son album live
Wing Over America et la cite dans une version étonnement impudique de la part de l'ex-Beatles sur « Picasso's last Words » : « Françoise Hardy, Monsieur Pommmpidoo et Geescar Desting ».
De Wes Anderson à Emma Watson
La Française n'a pas seulement été adulée pour son physique. Elle publie quatre albums dans la langue de Shakespeare entre 1966 et 1972 et le troisième,
One-Nine-Seven-Zero (1969), jamais sorti en France, est un chef-d'œuvre. Parfaitement arrangé par Jean-Claude Vannier (qui produira
Histoire de Mélodie Nelson pour Gainsbourg deux ans plus tard) et Jean-Pierre Sabar, sur des compositions originales de la belle ou du tandem Micky Jones-Tommy Brown, il est enfin réédité dans les années 2000 par les Anglais d'Ace Records sous le nom
Midnight Blues.
Et le phénomène Hardy traverse les décennies. Dans les années 80, Morrissey confesse aux
Inrocks : « J'étais obnubilé par Françoise Hardy, j'adorais sa chanson
Another Place. » La Française devient le summum du branché. Et on ne compte plus le nombre de reprises, de Jimmy Sommerville à Eurythmics.
À l'occasion du duo avec Blur en 1995 sur l'album
The Great Escape, Damon Albarn enfonce le clou : « Elle était la chanteuse parfaite pour To The End. » Trois ans plus tard, c'est Iggy Pop qui roucoule avec Françoise sur le délicieux « I'll Be Seeing You » et l'Iguane n'est pas avare de compliments : « Personne ne peut chanter comme Françoise Hardy. Son aisance musicale et émotionnelle mêlée à son sens de la réserve et du mystère ont un impact indélébile sur le public. Je ne connais aucun équivalent. » David Bowie s'en mêle et affirme fièrement en 2003 : « Pendant très longtemps, j'ai été passionnément amoureux d'elle..., elle doit être au courant. »
De son premier concert à Paris, Jay Jay Johanson confie garder avant tout le souvenir du passage de Françoise Hardy dans les coulisses et Wes Anderson a construit son film
Moonrise Kingdom (2012) autour de la chanson « Le temps de l'amour », publiée cinquante ans plus tôt. Contrairement à une Bardot très jalousée, la chanteuse gagne le respect des femmes. Agnetha, la blonde du groupe ABBA, avoue aimer énormément la Française : « Elle a créé son propre style et écrit elle-même ses chansons. Elle avait l'habitude de s'entraîner devant un miroir, elle avait un super feeling. » (« Ken Bruce Show » BBC Radio 2, 2013). Carly Simon, célèbre pour sa chanson « You're So Vain », écrit dans son autobiographie (
Boys in the Trees: a Memoir by Carly Simon, 2015) : « J'avais l'habitude de regarder ses photos et d'essayer de m'habiller comme elle. » L'influence dépasse même le cadre musical quand la top model Alexa Chung déclare : « Pour mon style, ma première inspiration est Françoise Hardy », et que l'actrice Emma Watson s'enflamme : « Mes icônes de mode sont Lauren Bacall, Sofia Coppola, Cate Blanchett, Françoise Hardy » (
Vanity Fair 2014). De quoi démentir la complainte que Françoise Hardy chantait en 1962 : « Oui mais moi je vais seule car personne ne m'aime. »
Source : http://www.lepoint.fr/pop-culture/musique/tout-le-monde-dit-francoise-hardy-09-04-2018-2209159_2946.php