Je ne sais pas si Tom Ford apprécie Françoise Hardy mais..... Nicolas Ghesquière pourrait faire le lien entre les deux personnages :
Nicolas Ghesquière, toute la mode en parleVirginie Mouzat. Le Figaro Avant la rétrospective consacrée à Balenciaga au Musée des Arts décoratifs le mois prochain, entrevue avec celui qui a su redonner une aura internationale à l'illustre maison. Sa cote est au zénith.
Jusqu'ici, pour parler de lui, il y avait les défilés, les campagnes de pub, Nicole Kidman (aux derniers oscars), Charlotte Gainsbourg (qu'il habille pour son premier album avec le groupe Air, à sortir en septembre), Amira Casar (en clôture du Festival de Cannes), Isabelle Huppert (en total Balenciaga dans L'Ivresse du pouvoir de Chabrol), Jennifer Connolly (en couverture de l'édition juin-juillet de Vogue) ou
la chanteuse Françoise Hardy. Autant d'incarnations du style Balenciaga selon Ghesquière. Aujourd'hui, le créateur prend la parole en direct. D'abord, à l'occasion de l'exposition au Musée des Arts décoratifs qui commence le 5 juillet. Ensuite «
parce que j'apprends à sortir, à ne plus redouter la distraction et le côté social de la mode ».
Au QG du 40, rue du Cherche-Midi, à Paris, comme un politique en campagne, il reçoit en chemise de coton frais à rayures azur, parfumé d'une senteur de plage et de monoï. Bref, Ghesquière sort de l'ombre, du moins officiellement. Car officieusement, ça fait longtemps qu'il est en pleine lumière. Les rédactrices de mode sont tombées folles de lui dès sa première collection Balenciaga, en 1997. Mais ce jeune homme frêle aux nerfs d'acier, loin de céder à l'ivresse, a orchestré sa rareté en stratège.
Ne porte pas Balenciaga qui veutIconoclaste, expérimentale, parfois inaccessible, mais hautement désirable, sa mode déroute, étonne, enchante, périme les tendances, les précède toujours. Ne porte pas Balenciaga qui veut, même si le First, sac phare de la maison depuis sa création en 2000, s'arrache et se copie de Paris à New York en passant par Hongkong. Ses vêtements, comme ceux du fondateur de la griffe, choisissent « ses » femmes plutôt que le contraire. Gabrielle Chanel, qui fit ses débuts en 1918, en même temps que le couturier espagnol de San Sebastian, affirmait que le luxe n'est pas démocratique. Ghesquière précise : «
Le luxe est élitiste, c'est une notion à défendre, qui va de pair avec l'exclusivité. » Pour ce faire, il a contré avec entêtement le nivellement imposé par
Tom Ford, ex- directeur artistique du Gucci Group - auquel appartient Balenciaga. «
J'ai une certaine capacité à résister, à ne pas être satisfait. Le non comme moteur », lâche-t-il non sans fierté.
De son adolescence provinciale à Loudun, il garde une petite boucle à chaque oreille. «
Au lycée, il y avait ce débat sur l'anneau qui, selon qu'il était porté à droite ou à gauche, renseignait soi-disant sur les penchants sexuels. Moi, j'en ai mis un à chaque oreille. » Son visage - comme sa ligne entretenue au millimètre au spa du Ritz - évoque à peine ses 35 ans. «
Je dessine de la mode depuis que j'ai 14 ans. A l'époque, je prenais sur mes vacances pour faire des stages à Paris, au studio d'agnès b., puis dans celui de Corinne Cobson. » Au Panthéon d'alors siègent Montana, Alaïa, Gaultier, chez qui il décroche son premier job à 20 ans «
en tant que rat de studio. Ça a duré deux ans et demi. Là tout ce qui était virtuel est devenu possible, réel ». Son père, Roland, prof de gym, sa mère, Yolande, qu'en pensaient-ils ? «
J'ai grandi dans l'idée qu'il n'y avait aucune restriction à ses propres désirs. »
A presque 23 ans, il sort de l'ombre de Gaultier «
conscient qu'il fallait prendre des risques. Ensuite chez Pôles (NDLR : une marque de maille en vogue dans les années 90),
je n'étais plus dans un studio prestigieux, mais décisionnaire ». C'est à cette période qu'il rencontre Marie-Amélie Sauvé, styliste et consultante, qui partage avec lui une vision de mode affranchie de tout conformisme. «
Elle m'a dit « bouge, va à Milan, sors de là ! » » Il se lance comme free-lance puis, en 1996, devient chef de studio pour Trussardi - «
avec quelque 800 vêtements par saison, la réalité de l'industrie et du marché impose ses lois ». En 1997, Balenciaga confie déjà ses licences à Ghesquière qui, très vite, succède au Néerlandais Josephus Thimister alors en place.
Dès son premier show, l'Amérique et Anna Wintour, la boss de Vogue US en tête, s'enflamment pour lui. La tradition se perpétue puisque, déjà en 1937, les Américaines s'entichaient de Cristobal Balenciaga, cet Espagnol si singulier venu présenter sa couture au 10, avenue George-V. Ce n'est pas un hasard donc si, le mois dernier, à la rubrique «
artistes et vedettes du spectacle » du classement annuel du magazine US Time, l'enfant de Loudun était le seul Français à figurer parmi les cent personnalités «
dont le pouvoir et le talent transforment le monde ». Ce jeune homme à l'air fragile cache bien son jeu.
(source : http://archives.madame.lefigaro.fr/luxe/20060605.MAD0010.html# )