Françoise Hardy dans Best (1er extrait)

En septembre 1988, Françoise Hardy s'entretenait avec le magazine Best. C'était l'occasion de commenter sa décision d'arrêter la chanson et de parler de son dernier album en date (Décalages).

Françoise Hardy : "II y a très peu de gens qui peuvent se permettre de faire des disques sans promotion, Renaud peut le faire, parce qu'il vend un million de disques. Moi je dois en vendre cinquante, alors si je veux en vendre cent de plus, je suis bien obligée, par la maison de disques, de faire un petit peu de promo et de télé. Mais comme je ne sais pas faire ce qu'il faut, je trouve que je me nuis à moi-même. J'ai hâte d'en finir avec tout ça. Cet album, c'est le dernier à cause de ça justement. De la télé et des photos, j'aime presque aussi peu ça. II est temps que j'arrête, je ne suis plus présentable. J'ai dit plein de fois que je voulais arrêter, mais là, c'est vraiment fini. Déjà, quand on fait un disque, on ne sait jamais si on pourra en faire un autre après. Moi on me connait un peu, mais je ne suis pas une locomotive, j'ai jamais vendu beaucoup, sauf au début. Mais dans les années 70, où justement j'ai commencé à faire des choses plus intéressantes, que je réécoute aujourd'hui avec une certaine satisfaction, je n'ai plus vendu. Ca arrive à pas mal de gens."

Best : "C'est irrémédiable ?"
Françoise Hardy : "Si on me propose de faire un disque avec toutes les garanties sur le plan musical, toutes les précautions, parce que là on a vraiment eu beaucoup de problèmes, et si j'ai la garantie de ne faire AUCUNE promo, à part peut-être une ou deux interviews, mais pas de télé, pas de radio, pas de photo, alors peut-être... Moi c'est tout ça qui m'ennuie, pas de faire des chansons. Me retrouver derrière un micro, c'est un petit peu embêtant maintenant, j'avoue que c'est devenu une corvée de chanter, d'enregistrer, plus la technique fait des progrès, plus c'est difficile de chanter; avant je le faisais en direct avec des musiciens, en trois prises c'était bouclé, aujourd'hui il faut six heures pour faire une voix, c'est épouvantable."

"Il est temps que j'arrête, je ne suis plus présentable." J'espère qu'en 88 elle ne faisait pas allusion à son physique... Quant on voit le charme et la grâce qu'elle a gardés ! Des doutes sur ses prestations on peut comprendre compte tenu de ce qu'elle explique et a déjà expliqué, mais son apparence... Hormis le bonnet et ses coupes de cheveux improbables ces dernières années

C'est curieux, ce qu'elle dit sur ses ventes et celles de Renaud. C'est vrai que Renaud a son public, et que chaque album se vend bien. Peut-être qu'elle exagère sur ses propres ventes, je ne sais pas. Je pense qu'elle a aussi son public. En tout cas, hormis le fait bien sûr que leur univers est très différent, Françoise a davantage une aura de star que Renaud je pense, donc je trouve qu'il y a un paradoxe au niveau des chiffres de ventes. Ou plus précisément, quelque chose qui m'échappe.

Oui moi aussi j'ai trouvé cela curieux. Je me souviens d'un ancien topic où on avait des statistiques sur les ventes d'album. Cela serait intéressant de retrouver la source. Même s'il est plus difficile de tenir sur la durée, j'ai du mal à croire qu'elle vende moins d'albums que Renaud.

Renaud avait fait un carton avec son précédent album de 1985 "Mistral gagnant" et fort de cette popularité, il avait décidé suite à la mort de Coluche (9 juin 1986) que son prochain album (Putain de camion) sortirait en 1988 sans promotion par le biais des médias classiques (télévision, radio, presse).

L'interview étant de 1988, Françoise fait allusion à cette histoire qui ne s'arrête pas là d'ailleurs. En effet, pour terminer l'anecdote, il faut savoir que ce manque de promotion aura un effet sensible sur les ventes de "Putain de camion" : elles n'atteindront "que" les 750 000 exemplaires alors que "Mistral gagnant" avait atteint le chiffre mirifique de 2 000 000 d'albums vendus.

A l'époque Françoise souhaitait peut-être aussi s'autopersuader qu'il était temps de partir et avançait un peu tous les arguments qui lui passaient par la tête pour nous en convaincre et s'en convaincre elle-même

La dernière affirmation est intéressante; il est vrai que cela peut ressembler à une (auto) justification...

Françoise Hardy a écrit:

Moi je dois en vendre cinquante, alors si je veux en vendre cent de plus, je suis bien obligée, par la maison de disques, de faire un petit peu de promo et de télé.

J'aime bien cette exagération marseillaise... A l'époque, elle aurait pu dire qu'elle vendait peu mais de là à avancer un chiffre aussi ridicule que "50", il y a un pas. Ca me paraît presque par un certain côté une sorte d'autodénigrement pathétique car il est impossible qu'elle y ait vraiment cru.

Elle aurait dû dire qu'elle en avait vendu juste deux : un à elle-même et un à sa mère et ça aurait été tout aussi crédible. Non mais !

En fait, elle en aurait vendu trois, parce que moi j'aurais certainement acheté le troisième en solde (faut quand même pas exagérer à l'heure du discount).

C'est effectivement là qu' on voit que tout est bon comme argument pour justifier ce que moi j'appelle sa flemme congénitale : à mon avis, elle n'a pas pour rien choisi une maison en Corse car pour elle aussi "travail" est un gros mot.