Françoise Hardy sans fardPar Olivier Nuc - 25/03/2010
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image](Jean-Marie Périer/EMI France/Virgin)
L'icône française publie La Pluie sans parapluie, un des meilleurs disques de sa carrière, avec des participations de Calogero, Murat ou la Grande Sophie. LE FIGARO. - Comment s'est déroulée la conception de ce nouveau disque? Françoise HARDY. - Cet album a été beaucoup plus difficile à faire que je ne l'imaginais. Il y a eu tout un tas de soucis, des fâcheries qui arrivent quand vous travaillez avec des gens qui n'ont pas le même goût et la même vision que vous. Il arrive un moment où j'ai été obligée de dire:«C'est mon disque, mon goût doit l'emporter.» Je n'aime pas du tout les rapports de forces mais parfois on doit en arriver là. Cela dit, les disques sur lesquels il n'y a ni tension ni souffrance sont très rares.
Comment faites-vous connaître vos intentions à vos collaborateurs? N'étant pas musicienne, j'ai souvent du mal à exprimer en mots ce que je voudrais. Mais quand j'entends le travail effectué, je sais ce qui ne va pas. C'est un instinct qui ne me trompe pas souvent. Je défends chacune de mes chansons comme s'il s'agissait d'enfants pour lesquels je souhaite le meilleur traitement possible.
À partir de quel moment avez-vous commencé à préparer ce disque? Dès le début de l'année 2009, j'ai commencé à chercher des chansons. Finalement, j'aurai passé ma vie à recevoir des CD ou des cassettes de personnes qui ont envie que je m'intéresse à leur travail ! Neuf fois et demie sur dix, c'est très scolaire. Je pense qu'il y a des chansons qui objectivement sont très mauvaises et d'autres très bonnes. Je me targue de savoir faire la différence entre les deux. C'est même une des rares
qualités que je me reconnaisse.
Aux côtés de signatures familières, on trouve au générique de cet album celles de gens avec lesquels vous n'aviez encore jamais collaboré. Mon directeur artistique m'a proposé de demander une chanson à Calogero. Parallèlement, le studio où j'enregistrais m'a dit qu'il avait laissé une mélodie pour moi. Arthur H avait suggéré qu'on fasse quelque chose ensemble il y a quelques années déjà. Quant à Murat, je n'aurais jamais imaginé lui demander quoi que ce soit. Parmi les quatre titres qu'il m'a fait parvenir, j'ai choisi de prendre le seul en anglais, Memory Divine. Jamais je n'avais enregistré une chanson aussi facilement.
Il s'agit de votre premier disque depuis la sortie de votre autobiographie, en 2008. Son succès a-t-il changé votre rapport à l'écriture? Dans une autobiographie, on sait qu'on va devoir aborder la vie privée, ce qui est le domaine où je m'ennuyais le moins. La vie personnelle dans un livre est intéressante à partir du moment où on choisit ce qui relève du vécu de chacun et qu'on peut le développer. Un texte de chanson, c'est juste l'expression d'une émotion, cela n'a rien à voir.
Avant de publier ce livre, vous n'aviez laissé filtrer que peu d'indices sur vos états d'âme. Le fait de tourner toujours autour du même thème donne pourtant des clés, peut-être plus qu'une autobiographie. Depuis petite, je suis
fascinée par les auteurs qui tournent autour de l'amour impossible. C'est confondant comme un enfant peut être inspiré par des lectures qui ont la couleur de ce que sera sa vie. J'ai l'impression d'être monomaniaque, de m'intéresser toujours à la même chose sous des formes légèrement différentes, et de chanter toujours la même chose. Ce qui n'est pas très grave, à partir du moment où les mélodies sont différentes.
Cette année a marqué le retour sur scène de Jacques Dutronc. Êtes-vous allée l'écouter? J'y suis allée un soir où je l'avais entendu se racler la gorge toute la journée, ce qui m'a un peu gâché le plaisir. On a un mode de vie particulier, une distance s'est créée mais cela n'enlève rien à la force des souvenirs qui nous lient. Ce qui m'aura aidé à supporter cette relation très difficile, c'est de sentir qu'il y avait une réciprocité derrière l'absence. C'est pour cela que je ne suis jamais partie.
Vous semblez avoir atteint aujourd'hui une forme de sagesse. Comment ?J'ai acquis un certain détachement. Quand une femme n'est pas heureuse pendant très longtemps, le feu finit par s'éteindre. Alors, on est libéré d'une dépendance très douloureuse. C'est très difficile à maintenir dans la durée une relation de couple. Surtout dans la société actuelle, lorsqu'on est amené à rencontrer des gens intéressants et séduisants… En ce qui concerne la fidélité, j'admets qu'elle soit plus difficile à respecter pour un homme que pour une femme. On ne voit que ça : des hommes très amoureux de leur femme qui ne peuvent pas s'empêcher d'aller voir ailleurs. L'homme fidèle est rarissime et en devient même presque suspect. J'ai été assez naïve pour découvrir ça sur le tard.
LA CRITIQUE Vingt-sixième album studio en plus de quarante ans de carrière,
La Pluie sans parapluie ne déroutera pas les amateurs de l'art délicat de Françoise Hardy. Pourtant, à y regarder de plus près, bon nombre de qualités en font un des disques les plus réussis de son parcours. Fidèle à sa ligne mélancolique (les déchirantes Mieux le connaître ou la chanson titre), Françoise Hardy a pourtant injecté des couleurs plus pop à cette livraison (le premier extrait, Noir sur Blanc, ou l'enlevé Champ d'honneur). Il en résulte un disque moins sépia et plus pastel que ses précédentes livraisons. On pense parfois à ses beaux albums du début des années 1970, Soleil ou La Question. À la manière, pudique et sensible, Françoise Hardy continue d'imposer son élégance suprême et sa belle inspiration.
(source : http://www.lefigaro.fr/musique/2010/03/25/03006-20100325ARTFIG00482-francoisehardy-sans-fard-.php )