29 mars 2010 - La nouvelle république - Propos recueillis par Matthieu Pays
Françoise Hardy ou l'amour en souffrance
" La pluie sans parapluie ", le nouvel album de Françoise Hardy sort aujourd'hui. La chanteuse y parle de ses amours et de ses colères.
Rencontre.
Votre nouvel album est assez autobiographique. Il y a des choses que vous n'aviez pas pu dire dans « Le désespoir des singes... et autres bagatelles », le livre dans lequel vous racontez votre parcours ?Ce sont deux choses très différentes. Dans l'autobiographie, je parlais de mon passé. Je voulais faire partager mon expérience de femme. Et dire, surtout, que lorsque l'on rencontre des déboires sentimentaux, bien souvent, c'est par notre attitude totalement inadéquate que nous les induisons. On ne se met pas assez en question quand les choses ne se passent pas exactement comme on le voudrait. Moi comme les autres... Le livre parlait de ça. Là. dans le disque, je parle au présent des émotions qui m'habitent au moment où j'écris les chansons... Mais c'est vrai que tous mes albums sont autobiographiques au fond et même, la plupart du temps, lorsque je chante des chansons d'autres personnes, je ne peux les chanter que parce que cela me correspond.
Dans quel état d'esprit étiez-vous au moment de commencer à écrire cet album ?Angoissée. De toute façon, tout m'angoisse ! Quand j'ai des mélodies qui me plaisent, j'ai l'angoisse de ne pas écrire assez bien les mots qui iront dessus. J'ai l'angoisse de la page blanche, vraiment
Il est beaucoup question d'amour dans cet album, mais d'amour souvent contrarié. Est-ce si difficile d'aimer?Vous savez, moi, toute ma vie, j'ai toujours écrit un peu sur les mêmes thèmes. Sur l'impossibilité de dire à quelqu'un, qui vous plaît plus que tout, que vous l'aimez. J'ai toujours été attirée par les hommes assez mystérieux, assez ambigus, dont on ne sait absolument pas ce qu'ils pensent, qui ne disent rien de ce qu'ils ressentent profondément. C'est une souffrance d'être attirée par ce genre de personnages parce que ce sont des gens insaisissables et qui fuient tout engagement. J'ai beaucoup écrit là-dessus aussi.
Vous parlez aussi de l'insouciance un peu naïve de la jeunesse. Regrettez-vous tant que cela votre jeunesse ?Quand on est jeune, on a toujours tendance à foncer dans le mur, sans trop réfléchir et moi, je suis une grande spécialiste de ça. Ce n'est même pas volontaire, c'est juste qu'à un moment, on se retrouve attaché, entièrement, à une personne. On a vu cette personne dans telle ou telle circonstance et, d'un seul coup, il n'y a plus que cela qui compte. C'est un envoûtement et c'est absolument atroce. Moi, j'ai vécu ça pendant des années. En même temps, c'est peut-être un bien puisque c'est de là que sont nées la plupart de mes chansons.
Dans votre disque, vous dites aussi vos colères. Quelles sont-elles ?Ce qui me navre dans le monde où nous vivons, c'est la communication biaisée et la façon dont les politiques en général manipulent l'électorat qui baigne dans une sorte d'ignorance bienheureuse. A chaque fois, ça me fait penser à la chanson de Jacques,
Plus on nous dit tout, plus on ne sait rien. C'est exactement la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, encore plus aujourd'hui qu'au moment où il a sorti la chanson.
Propos recueillis par Matthieu Pays
« La pluie sans parapluie », 1 CD EMI/Virgin Music
••• L'album : d'Arthur H a CalogeroFrançoise Hardy ne fait plus de scène depuis quarante ans. L'exercice la mortifie et heurte bien trop sa nature. C'est pour cela que l'artiste met un soin jaloux, une attention millimétrique, une exigence absolue à la réalisation de ses albums en studio. Parce que ses chansons ne vivront que là et que l'objet gravé sera pour toujours, son unique moyen de s'exprimer, musicalement parlant, bien sûr.
Ce nouvel opus,
La pluie sans parapluie, est tout entier empli de ce perfectionnisme classieux que l'on connaît à la dame. Un son de pop légère et fluide nous entraîne d'un titre à l'autre avec élégance. La voix est suave, chaude, sensuelle, précise. Les sons, qu'ils viennent de Calogero, le nouvel ar-rivant ou de Lubrano, le complice de toujours, composent autant de voyages intérieurs, d'ambiances intimes dans lesquels l'auditeur se fond avec douceur.
Dans cet album, quelques invités prennent place à la table de Françoise Hardy. Et, comme il se doit, chacun a apporté son petit cadeau. Jean-Louis Murat a pris un titre cultivé dans son jardin, Memory
divine. La Grande Sophie joue avec malice sur le
Mister et Arthur H boucle le disque avec ses mots qui s'envolent. Autant de rencontres réussies. Et puis, il y a les mots de Françoise Hardy, qui signe dix des treize textes de l'album. Elle a cette façon elliptique, presque cryptée de décrire les turpitudes de l'âme humaine qui fait mouche.
La Pluie sans parapluie n'est pas un album bavard, mais les chansons qui le composent en disent beaucoup, sans s'étendre, sans se diluer. Beaucoup sur la difficulté de se rencontrer, de partager vraiment ; beaucoup sur le temps qui s'écoule et nous délave; beaucoup» finalement, sur nous-même.
(source : http://www.lanouvellerepublique.fr/dossiers/journal/index.php?dep=IG&num=1596010# )