La révolution yé-yé vue par le journal du FIGARO.
En juin 1963, Daniel Filipacchi lance un appel resté célèbre chez les teenagers de l'époque. Sur l'antenne d'Europe 1, il invite les auditeurs à se rendre place de la Nation, à Paris, pour suivre un concert gratuit de jeunes interprètes dans le vent. Il espère des milliers de spectateurs. Le jour J, 150.000 personnes affluent sur les lieux. Le triomphe est total. «C'était le sacre de “Salut les copains” et de cette radio», se souvient Dick Rivers dans ce documentaire consacré aux yé-yé.
De nombreux interlocuteurs se succèdent dans l'excellent film de Michel Royer et Didier Varrod, diffusé ce soir sur Arte, en distillant des anecdotes savoureuses sur la période dorée des blousons noirs. Dans cet exercice, Jean-Marie Périer excelle. Devant la caméra, il se rappelle très bien du premier conseil de Daniel Filipacchi. Il a alors 23 ans. «Ce qu'il faut, c'est que les photos déplaisent aux parents.» Il s'en donne à cœur joie, en immortalisant par exemple Johnny en uniforme devant le drapeau français.
Au lycée et à l'Olympia
Les autorités s'inquiètent quelque peu de la montée en puissance de cette jeunesse qui s'émancipe, les intellectuels s'interrogent… à l'exception d'Edgar Morin. Dans une tribune, le sociologue apporte son soutien à cette vaste communauté, aussi sympathique que remuante, en concluant son article en ces termes: «Le sens dominant de l'extase désirée par le yé-yé est de jouir.» Le mot, qui fait référence aux nombreux «Yeah Yeah» utilisés dans les chansons anglaises, est aussitôt repris. Une génération est définitivement née.
En ce début des années 1960, les rythmes apparaissent nouveaux, comme les sons et les danses. Les jeunes font enfin entendre leur voix. «Ce mouvement commence en fait en 1956 avec Elvis Presley et James Dean aux États-Unis, précise Jean-Marie Périer. Tout à coup, ils symbolisent l'adolescence. Tous les mômes du monde entier se reconnaissent en eux.» Les groupes de rock fleurissent. Les ventes de guitares flambent plus que celles de voitures. Les nouvelles technologies - pick-up sophistiqués et autres transistors - participent à cette révolution. Au Golf Drouot, les Chaussettes noires ou les Chats sauvages triomphent. «Après Johnny en 1959, c'est Sylvie Vartan qui s'affirme comme la première idole yé-yé en 1961, jouant les locomotives», rappellent les réalisateurs. À l'époque, la jeune femme a 17 ans. Elle est lycéenne… et se produit à l'Olympia. Du jamais-vu ! Suit Sheila. À son tour, la marchande de bonbons triomphe.
«Ces idoles prouvent à la France entière qu'on peut venir du plus bas et aller au plus haut», explique Jean-Pierre Pasqualini, un spécialiste musical. Une autre future «icône» fait son apparition sur le devant de la scène. «Si Sheila chante pour les cours de récréation et Sylvie pour les collèges, Françoise Hardy, elle, chante pour les universités et les étudiants qui lui ressemblent», soulignent les auteurs. Il est charmant de revoir la jeune licenciée d'allemand interpréter ses titres dans la langue de Goethe à la télévision. De façon rafraîchissante, les extraits s'enchaînent tout au long de ce documentaire dense et rythmé.
Arte- 20.35
Article de Pierre De Boishue
(source : http://www.lefigaro.fr/programmes-tele/2010/08/26/03012-20100826ARTFIG00377-la-revolutionye-ye.php )