Françoise Hardy interviewée par Gérard Miller (2ème extrait)

En 2010 paraissait Le divan et le confessionnal de Gérard Miller, un livre reprenant les entretiens marquants de l'auteur avec des personnalités pour le compte du magazine chrétien La vie. Un chapitre était consacré à Françoise Hardy.

Quelle abnégation ! Quel esprit de sacrifice ! J'ai tout de même du mal à croire que vous n'avez jamais été égoïste.
Vous avez raison, cela m'est arrivé aussi. Je ne sais pas mettre les formes et j'ai parfois choisi avec brutalité ce qui me convenait, à moi et pas à l'autre... Quand j'étais jeune, par exemple, j'avais un rêve : voir Bob Dylan sur scène. En 1966, j'apprends qu'il doit venir à Paris pour un concert unique et je m'organise bien évidemment pour y assister. Hélas, juste avec d'y aller, Jean-Marie Périer, avec qui je vivais à l'époque, m'annonce que son frère cadet vient de se suicider. Eh bien, je n'ai pas pu renoncer au concert, j'y suis allée, abandonnant Jean-Marie, c'était plus fort que moi. Cela m'a poursuivi longtemps, et aujourd'hui encore j’y repense avec honte.

C'est la deuxième fois dans cet entretien que vous parlez de honte.
Oh, mais j'ai toujours eu honte - de moi, de ma famille, de tout. La honte est le premier sentiment que j'ai connu, le premier dont je me souvienne, et elle ne m'a jamais quittée. Je suis sûre que la persistance de ce sentiment explique un grand nombre des comportements que j’ai eus tout au long de ma vie.

On apprend en quelques phrases beaucoup sur Françoise. L'épisode du suicide du frère de J-M Perrier m'avait choqué quand je l'avais appris pour la première fois. Je comprends que cette honte l'a poursuit encore maintenant. Mais qu'elle ne s'en soit pas cachée, cela m'étonne et c'est bien la preuve que sa bio est une vraie confession comme celle de JJ Rousseau.

C'est vrai que cet épisode est très choquant.
On peut reconnaitre aussi que Françoise a le courage (ou l'inconscience ?) ou en tout cas la franchise de reconnaître cette lourde erreur et de l'assumer complètement.

Il aurait été beaucoup plus simple pour elle de ne pas en parler mais en même temps c'est une très belle preuve d'intégrité et de preuve d'amitié vis à vis de Jean-Marie Périer de n'en rien cacher et de manifester ses regrets.

Françoise est une midinette et le reconnaît quitte à s'en affliger elle-même.

Je ne trouve pas cela si choquant, tout dépendant de l'état moral dans lequel se trouvait Jean-Marie Périer. Avait-il demandé à Françoise de rester avec lui pour encaisser le choc? Rien ne nous le dit, comme rien ne nous dit qu'on a forcément besoin du soutien moral de quelqu'un pour encaisser ce genre de nouvelle. Sans doute maintenant Françoise se dit-elle qu'il est plus important de rester proche des gens qu'on aime que de voir un concert, mais elle a mûri, elle n'avait que vingt-deux ans et voir Dylan en concert (celui de 66, hein, pas celui de maintenant ) signifiait quelque chose pour elle.

Seule Françoise a la clé et visiblement elle a honte de ne pas être restée avec Jean-Marie Périer pour le soutenir dans ce moment d'épreuve. Sans jouer les analystes de pacotille je me demande si cet épisode a pu jouer dans la séparation de Jean-Marie et Françoise.

Dans le passé j'ai le souvenir d'un décès d'une personne qui m'était très proche. J'étais au fond du trou. Je n'ai pas demandé à mon meilleur ami de venir à l'enterrement pour qu'il reste libre d'agir à sa guise. Pourtant, ensuite, je lui en ai voulu de ne pas m'avoir apporté son soutien et de fil en aiguille cette amitié s'est étiolée. Trop de pudeur peut être interprétée comme de l’indifférence. .

Même quand on est très jeune, il y a des choses que tout le monde doit comprendre sans que ce fut dit: c'est presque être inhumain que ne pas avoir d'empathie pour la douleur que subit son compagnon quand il perd son frère.

Je pense que c'était également la preuve d'une certaine immaturité, elle n'avait que 22ans, c'était une très jeune fille pour l'époque, c'est en tant qu'adulte aujourd'hui et avec la maturité qu'elle reconnait l'erreur de son comportement, tout cela semble se tenir......

Tu es dans le vrai. Obsédée par son désir de voir Dylan sur scène, elle a manifesté un égoïsme typique des gens immatures. Le côté cruel du truc c'est qu'à chaque interview on lui demande de parler de sa rencontre avec Bob Dylan sans savoir qu'en arrière fond se jouait le drame.
Depuis elle ne peut que s'indigner de ce manque de compassion et le condamner.