Françoise Hardy, messages personnels
La chanteuse, qui publie un poignant livre confession sur la vieillesse, « Avis non autorisés... », nous a reçus chez elle. Avec sagesse et franchise, elle parle de ce qui l'ennuie, mais aussi de ce qui la fait toujours vibrer.
Éric Bureau | 08 Mars 2015, 12h45 | MAJ : 08 Mars 2015, 12h45
« Comment te dire adieu ? » chantait Françoise Hardy en 1968. On referme « Avis non autorisés... » en se demandant si elle n'a pas trouvé la réponse avec son nouveau livre, où elle écrit ses quatre vérités sur l'euthanasie, l'écologie, la politique -- François Hollande, Cécile Duflot et Eva Joly n'y sont pas épargnés --, la mode, les religions, la surpopulation -- fléau numéro un selon elle -- mais passe aussi quelques messages personnels à son mari, Jacques Dutronc, à leur fils, Thomas.
Françoise Hardy y livre un témoignage poignant, d'une franchise rare, sur le vieillissement et la maladie. Souffrant depuis dix ans d'un lymphome hodgkinien au niveau des voies digestives qui l'affaiblit énormément, elle ne sort quasiment plus de chez elle. « Moi qui adorais sortir, je ne suis pas allée voir de spectacle depuis le concert de Thomas (NDLR : il y a un an à Paris), regrette-t-elle. J'ai de gros problèmes de santé chroniques et ça ne fera qu'empirer. »
C'est dans son appartement du XVIe arrondissement de Paris qu'elle nous a reçus longuement mercredi. Tendue à la veille de l'enregistrement d'« On n'est pas couché », diffusé hier soir sur France 2, qu'elle redoutait d'affronter physiquement, c'est une femme de 71 ans amaigrie mais toujours élégante et très combative qui s'est livrée sans fard et sans filtres.
« J'adore la viande saignante et le bon vin »
Ce qui frappe en entrant dans son lumineux appartement, c'est la cuisine bordeaux, avec sa haute table conviviale et sa cave à vins remplie. « J'adore manger, sourit-elle. Quand mon état me le permet, je vais manger de la viande saignante au restaurant Ma chère et tendre (Paris XVII e) avec mes amies. Sinon, je cuisine ici. Avec des légumes frais, cela prend du temps, mais c'est très agréable. J'aime aussi le bon vin. Le soir, je finis mon repas avec un verre. C'est mon dessert. »
« La musique, c'est fini »
Sur ses étagères, des livres sur Gainsbourg, Elvis, le dernier CD de Calogero. « Alors que ce fut ma passion pendant cinquante ans, boum d'un coup, la musique ne m'intéresse plus, avoue-t-elle. J'ai tourné le dos à la chanson, je n'ai plus l'énergie pour cela et je ne veux plus écrire de textes. La musique, c'est fini. Mais cela ne me prive pas. Au contraire, je suis ravie d'avoir ce prétexte pour refuser ce que l'on me propose. Ces albums de reprises, de duos, c'est d'un ennui abyssal. »
« Houellebecq me fait rire »
Que de livres sur ses étagères ! Le livre est une lettre d'amour aux écrivains. « Je suis heureuse, chez moi, tranquille, entourée de mes livres, dit-elle. L'après-midi, je dois m'allonger alors je lis, je lis, je lis. Ma passion, c'est la littérature romantique anglaise du XIX e siècle. Je lis peu de livres contemporains. Mais j'aime l'humour et le côté surréaliste de Houellebecq. Il réussit à me faire rire sur les horreurs du monde actuel. Mais je préfère de loin Modiano. Ses livres me font rêver et m'envoûtent. »
« Je honnis l'extrême droite »
La télé occupe une place majeure dans son salon. « J'aime regarder les émissions de cuisine avec le chef Jamie Oliver... Je ne rate jamais Des paroles et des actes sauf avec Marine Le Pen. Ça, je ne regarde pas. J'ai horreur des matrones autoritaires. Et je honnis l'extrême droite, comme l'extrême gauche d'ailleurs. » A la présidentielle de 2017, elle votera Juppé ou Fillon, « hommes modérés et intègres », « rassembleurs possibles ».
« Nicolas Sarkozy, malgré toute la sympathie que j'éprouve pour lui, est clivant, commente-t-elle. Il n'a toujours pas réalisé que la moitié au moins des Français le détestent. Justement ou injustement. »
« Mon veuf imminent »
Dans le premier chapitre de son livre, elle appelle son mari « mon veuf imminent ». « Il m'a toujours dit que je ferai une très jolie veuve et, petit à petit, je me suis aperçue que ce serait l'inverse, sourit-elle. C'est une force de la nature, comme Johnny. Il y a des moments où l'on peut craindre le pire et il renaît à chaque fois de ses cendres. En Corse, il a une vie beaucoup plus saine que la mienne, mais physiquement, je ne peux plus aller là-bas. Mon mari y a une compagne depuis déjà quinze-vingt ans, ce qui m'arrange beaucoup. Je n'ai qu'une peur, c'est qu'elle le quitte. »
Redoute-t-elle la mort ? « Il y a quelques années, j'ai cru que j'allais mourir lors d'un décollement de la plèvre, répond-elle. A ma grande surprise, l'émotion qui primait, ce n'était pas la peur, mais l'immense chagrin de quitter mon fils, de lui faire de la peine. Mais je préfère de loin mourir que de subir des états insupportables qui se prolongent. Et j'ai toujours dans un coin de la tête l'idée qu'il y a quelque chose après. »
« Avis non autorisés... », Equateurs, 240 pages, 19 €.
source : http://www.leparisien.fr/laparisienne/societe/culture/francoise-hardy-messages-personnels-08-03-2015-4585695.php