Avec
Françoise Hardy
Roger Vadim
Construit
Des châteaux en Suède |
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Un vaste hall tout en pierre de taille avec, dans un coin, un imposant escalier de bois. Nous sommes dans le château des Felsen, famille noble vivant en Suède à notre époque. Agathe, qui tricote dans un fauteuil aux pieds de l'escalier, oblige toute la famille à porter des vêtements XVIII
ème siècle pour respecter la tradition familiale.
La vie au château semble particulièrement ennuyeuse. Éléonore et Sébastien sommeillent sur les dernières marches de l'escalier.
- Il partira pas Eric. Il partira plus Eric.
En chantonnant cette phrase qui semble follement l'amuser, Ophélie, vêtue d'une vaste robe noire gonflée par une multitude de jupons, apparaît en haut de l'escalier.
- Il partira plus Éric…
- Pourquoi ? lance Éléonore toute ensommeillée
- Parce que Hugo a pris un gros revolver. Il va tuer Eric, réplique Françoise Hardy d'une voix rieuse avant de s'enfuir comme elle était venue.
Monica Vitti (Éléonore) et Suzanne Flon (Agathe) se dressent en hurlant d'effroi, et se précipitent dans l'escalier pour rattraper Ophélie. Jean-Claude Brialy (Sébastien) ramasse la traine de sa sœur Éléonore au passage et tous trois disparaissent.
- Coupez.
C'est Vadim qui vient de parler. Il donne ses indications pour le plan suivant puis m'entraine vers le bar.
- Voyez-vous, ce film est ma première comédie, mais ce qui me plaît surtout, c'est que je travaille avec Françoise Sagan et que cela fait longtemps que je voulais adapter l'un de ses livres. L'histoire est celle d'une famille noble qui, par la volonté d'Agathe, vit hors du temps… Ajoutez à cela qu'Hugo a deux femmes, Ophélie qui est devenue folle à l'âge de dix-sept ans et que tout le monde croit morte, et qu'il a assassiné quelques amants d’Éléonore, son autre femme, et vous aurez l'atmosphère un peu loufoque de mon film.
- Pourquoi depuis quelque temps ne faites-vous plus que des adaptations ?
- Cela tient au fait que, depuis deux ans, j'ai un certain nombre de contrats à assurer. Or, lorsqu'on signe deux ans à l'avance des projets de film, ça ne peut être que des adaptations, car aussi connu que vous soyez, on ne vous fait pas assez de confiance pour accepter des scenarii qui ne sont pas écrits. De ce fait, et cela semble paradoxal, je suis moins libre qu'au début de ma carrière. Il y a une autre raison qui m'a poussé à accepter des adaptations : quand vous faites un film de 450 millions, d'énormes possibilités pèsent sur vous. Deux échecs commerciaux de ma part feraient perdre certes de l'argent à des banquiers, tant pis pour eux, ce sont les risques du métier, mais ils auraient surtout des répercussions sur les salaires de nos collaborateurs. Aussi, je suis gêné pour mes responsabilités financières et artistiques et je vois qu'après ce film je vais m'arrêter de faire du cinéma quelque temps, pour faire le point, pour pouvoir renouveler mon répertoire, pour me retrouver devant une feuille de papier.