Françoise Hardy, échos en chambre
Par Charline Lecarpentier — 9 avril 2018 à 19:16
Six ans après «l’Amour fou», la chanteuse a retrouvé le chemin des studios pour élaborer «Personne d’autre», nouvel album tout en guitares aériennes.
Françoise Hardy, 74 ans. Photo Benoît Peverelli
Si les «copains» France Gall et Johnny Hallyday l’ont laissée sur le quai, Françoise Hardy, elle, est bien toujours du monde des vivants. En 1968, elle demandait la première
Comment te dire adieu? et n’a cessé depuis de reporter son congé, agitant toujours le mouchoir de l’au revoir au fil des chants. La révolution du printemps 1968 de la spleen queen fut de donner les derniers concerts de sa vie à Kinshasa, au Congo. A moins qu’elle ne surprenne son monde, à 74 ans, par une tournée des Zénith, sait-on jamais : dans sa constance, elle a su rendre chaque surprise plus intense.
On pensait encore récemment qu’elle était arrivée au bout du raffinement de son chant du cygne avec l’Amour fou, album vitrifiant son amour vif pour Dutronc, objet de classicisme austère et noble. Il était annoncé à sa sortie en 2012 comme étant son dernier. Si le cancer semblait il y a quelques années la rapprocher de l’échéance et ses poumons s’acharner à obstruer sa voix, la maladie lui a suffisamment lâché la grappe pour qu’elle retourne au travail. En 2016, elle publiait le livre Un cadeau du ciel et reprenait True Love Ways de Buddy Holly pour la compilation It’s a Teenager Dream de l’ingénieur du son chéri de la chanson Dominique Blanc-Francard.
Puis de revenir en studio pour Personne d’autre, nouvel addendum à sa discographie, nouveau testament qui n’écrasera probablement pas le précédent. Plutôt que chanter sa survivance, Françoise Hardy, notoire amoureuse des cartes, mise encore sur l’après et qui saura l’accompagner, avec un bal de guitares gonflées d’écho, cognant contre sa voix. «Prendre avec toi le train spécial, qui va nous emporter/ Vers la lumière et la liberté. Laissons de côté nos logiciels pour mieux tourner la page», romance-t-elle sur le grandiloquent Train spécial.
L’album est produit en grande partie par Erick Benzi, lequel avait précédemment travaillé avec elle sur
Tant de belles choses (2004), parmi d’autres, mais aussi pour Johnny Hallyday et Yannick Noah. Le titre
Dors mon ange est celui du déclic, adaptation de
Sleep (2005) du groupe finlandais Poets of the Fall, sortes d’Elton John dans un nuage de fusain - un rock emo FM pour lequel elle eut le coup de foudre et l’envie de se remettre au travail. Le single le Large, écrit et composé par La Grande Sophie, use encore de ces guitares emo emplies d’échos qui forment un véritable radeau de fortune pour sa mélopée dont la voix reste toujours d’une beauté froide presque trop immuable. On lui préfère la comptine Trois Petits Tours et sa guitare western, qui paraissait presque trop frivole pour son humeur de pierre, jusqu’à ce qu’elle s’y raconte seule dans son bunker, attendant son «ours cynique».
Les amateurs de suspense interromprons ici leur lecture ; pour les autres, voici les dernières lignes de
Personne d’autre, mouchoir remisé dans la poche avec seul un angle qui dépasse :
«J’arrête là, je me retiens/Ni dernier mot ni mot de la fin.»Charline Lecarpentier
Françoise Hardy Personne d’autre (Parlophone).
Source : http://next.liberation.fr/musique/2018/04/09/francoise-hardy-echos-en-chambre_1642189?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Twitter#link_time=1523304440