Le compte rendu de RFI
Par : Patrice DemaillyLe festival du Printemps de Bourges a ouvert, hier, sa 48e édition avec la création "Messages personnels", révérence (de son vivant) au remarquable répertoire de Françoise Hardy avec notamment Clara Luciani, Zaho de Sagazan, November Ultra, Clara Ysé, Albin de la Simone et Sage à la direction artistique. Une vraie réussite.La voix de
Clara Luciani s’élève, dans le silence recueilli du Palais d’Auron et de ses deux mille âmes, pour attraper
Des ronds dans l’eau. Et à moins d’avoir un cœur de pierre, difficile de rester insensible à ce moment-là, comme à plusieurs autres qui suivront durant la soirée.
Luciani, dont l’insolente popularité est largement confirmée à l’applaudimètre, s’érige en héritière assumée et naturelle de Françoise Hardy. Adoratrice de son ainée qui le lui rend bien, cette dernière ne se privant pas de louanges à son égard (rares sont pourtant les bons points distribués par elle). Un choix d’une évidence indéniable au point que Sage – son collaborateur de premier plan (il a réalisé ses deux premiers albums et sera encore aux manettes du troisième) – ait immédiatement pensé en premier lieu à elle lorsqu’on lui a confié les clés de cette création.
Sage aux commandesOn y vient à ce garçon-là, homme aux multiples facettes qui a débarqué ici sur scène avec son fringant groupe Astral Bakers, songwriter minutieux et arrangeur flamboyant aux teintes innombrables. Ce talent d’orfèvre a encore éclaboussé au grand jour, passant avec la même maestria de la délicatesse à des harmonies plus brûlantes. Rien à lui reprocher, si ce n’est peut-être un manque de chaleur communicative dans les entre-chansons. Ne pas s’attendre, non plus, à ce que la mise en scène mette le feu au lac. Ce sont les messages personnels adressés par les interprètes à Françoise Hardy qui constituent l’élément central de ce concert. De ce point de vue-là, ça tire au sans-faute.
En début d’année, un premier acte davantage acoustique avait eu lieu lors de l’Hyper Weekend Festival, dans les locaux de Radio France. Parmi celles et ceux qui avaient été convoqués à lui témoigner une immarcescible affection, figuraient notamment Clara Luciani,
November Ultra,
Voyou,
P.R2B,
Albin de la Simone, ossature à nouveau reconduite pour cette déclinaison en terre berrichonne.
Pas de Philippe Katerine, Hubert Lenoir, Pi Ja Ma et
Keren Ann cette fois-ci au casting, mais la présence de
Clara Ysé,
Zaho de Sagazan,
Alex Kapranos,
Séverin et
Alex Montembault (révélé par la dernière mouture de Starmania) pour une set-list modifiée de moitié. Une absence de taille et de dernière minute, celle de
Thomas Dutronc. Officiellement à cause de la grève des contrôleurs aériens. Officieusement, on parlait en coulisses d’une mésentente avec le maître de cérémonie Sage.
Bouleversant Message personnelCe survol, en vingt étapes, du répertoire de Françoise Hardy, a réussi à effectuer le lien entre panache et respect. Hormis Voyou, brillant dans ses interventions instrumentales à la trompette, mais défaillant au chant, tout le monde a tenu la dragée haute. A commencer par November Ultra, arrivée sur scène en béquilles (la faute à une chute en gare de Bourges, la veille) et sublime d’incarnation sur
Partir quand même. Ou Clara Ysé, qui s’empare de
Tant de belles choses – lettre ouverte écrite en 2004 à destination de son fils et annonçant déjà son départ – avec le lyrisme souverain de sa voix.
C’est aussi à elle que revenait la lourde tâche de revisiter, en duo avec Clara Luciani,
La question, chanson préférée de Françoise Hardy. Pari gagné, au même titre que la sensualité joueuse injectée par Luciani et son mari Alex Kapranos (chanteur du groupe Franz Ferdinand) sur l’indémodable
Comment te dire adieu ? Impeccable aussi la fougue insufflée par P.R2B à
L’anamour, chanson écrite par Gainsbourg, ainsi que la belle complicité Albin de la Simone-Theodora (force vive féminine d’Astral Bakers) pour prendre
Le large avec classe.
En fin de parcours, à peine le temps de faire le transfert entre le W où elle se produisait et le Palais d’Auron, Zaho de Sagazan n’a pas perdu sa boussole sensorielle pour s’approprier
Le temps de l’amour. Avant d’être rejointe par Clara Luciani et de rafler la mise avec
Message personnel, bouleversante offrande si attendue. Deux des élues de ces dernières années. Un symbole éclatant.
Source : https://musique.rfi.fr/chanson/20240425-printemps-bourges-le-bel-hommage-francoise-hardy