TéléMoustique n°4392 du 31/03/2010Françoise Hardy chante sous la pluie. Rencontre [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Culture-LoisirsQu'a-t-elle encore à prouver? Elle est l'élégance incarnée. Ce qui ne l'empêche pas de flipper. Souvent, j'ai adopté une attitude inadéquate par rapport à mes sentiments.
C'est nouveau et c'est mignon. Françoise Hardy évite désormais tout contact tactile avec ses interlocuteurs, mais les salue en inclinant la tête et en joignant les mains comme le font les bouddhistes. Une attitude zen pour une rencontre zen. Rare, solitaire mais jamais renfermée sur elle-même, elle n'a jamais considéré une interview comme un service après-vente.
"Quand tout se passe bien, ça tient plutôt de la confession. On me répète toujours qu'il ne faut pas dire tout ce que l'on pense, mais je ne peux m'en empêcher." Cette franchise était déjà l'une des clefs du succès de son autobiographie
Le désespoir des singes. et autres bagatelles parue voici deux ans aux éditions Robert Laffont. Plutôt que de laisser à d'autres le soin de l'inexactitude, Françoise Hardy étanchait avec ses mots toutes les curiosités qu'ont fait naître plusieurs décennies de vie publique et que ses chansons seules ne pouvaient manifestement pas combler
. Sur son nouvel album, joliment intitulé "La pluie sans parapluie", on retrouve cette même sincérité pour évoquer les joies, les souffrances et les doutes.
Le ton de ce disque n'est pas mélancolique. Plutôt délicieusement pop. Calogero apporte sa science du tube avec
Noir sur blanc, Murat lui offre une ballade country crépusculaire en anglais (
Memory Divine) et Françoise Hardy s'amuse en faisant rimer
"Massive attaque" avec
"le feu au lac" dans un
Champ d'honneur qui sera son prochain single. Aux côtés du fidèle Alain Lubrano, déjà derrière le disque du come-back en 1996 ("Le danger"), on trouve aussi les signatures de La Grande Sophie, d'Arthur H, de Thierry Stremler ou encore celle de l'Anglais Ben Christophers.
"L'intervalle de quatre ans entre chaque album, c'est le temps nécessaire pour trouver les bonnes mélodies.
Dans le cas présent, je peux même parler de cadeaux du ciel."Quel est le jour J dans la vie d'un album de Françoise Hardy? Celui de sa sortie commerciale?Pas du tout. C'est celui où j'entre en studio. J'enregistre tous mes albums au même endroit, à Paris. Je m'y sens dans mon élément. La cabine d'enregistrement, le casque sur les oreilles, le tabouret, l'équipe. Je suis très triste quand ça s'arrête et j'angoisse carrément quand il faut passer à l'étape promotionnelle. J'aime les rencontres en face à face comme celle-ci. Moi qui suis solitaire, j'y vois comme une sorte de divertissement. Mais j'ai horreur de faire des télévisions. La seule fois où je me suis trouvée vraiment bien, c'est lorsque j'ai chanté
Que reste-t-il de nos amours? en duo avec Alain Bashung lors d'une émission spéciale Saint-Valentinsur France 4 en 2007.
L'échec ou le succès vous préoccupent-ils encore aujourd'hui?Je me suis pour la dernière fois souciée de la réussite commerciale d'un album avec "Le danger" en 1996
. Deux des trois personnes avec qui je l'ai enregistré connaissaient de gros problèmes financiers et j'avais envie que ça marche rien que pour eux. "Le danger" ne s'est pas vendu, mais c'est devenu un disque culte aujourd'hui. Je ne suis pas vénale. Je me concentre tellement sur la qualité des chansons et sur la réalisation que lorsque c'est fini, je ne garde que des frustrations.
Jacques Dutronc vous aurait demandé de pouvoir interpréter votre chanson Champ d'honneur sur scène dans sa nouvelle tournée.C'est de ma faute. En juillet dernier, je suis allée me reposer en Corse car je savais que Jacques y était. J'ai trop peur des insectes pour rester toute seule là-bas. D'habitude, je ne lui fais jamais écouter mes chansons, mais j'ai fait une exception avec
Champ d'honneur. Jacques l'a adorée et a voulu me "l'emprunter"pour sa tournée. Mais quand j'ai répondu qu'elle était déjà enregistrée pour mon album, il n'a pas insisté.
Dans votre autobiographie, vous évoquez cette indifférence de Jacques Dutronc par rapport à votre travail. Il a été toujours été comme ça?Oui, à deux exceptions près. Il m'a avoué avoir pleuré en entendant
Tant de belles choses un soir à la radio, alors qu'il dînait avec des amis. Pour ne pas perdre la face, il a expliqué que c'était la fumée de son cigare qui lui était entrée dans l'oil. Dans les années 70, lors d'une émission pour Europe 1, il était venu dans ma loge avec Serge Gainsbourg pour me féliciter de ma version de
Message personnel de Michel Berger.
[...] Dans une interview croisée avec votre fils accordée au magazine Psychologie, Thomas affirme qu'il vous arrive d'être dure. On a du mal à le croire.Oui, ça m'arrive. Ma dureté est réactive. Je suis perpétuellement sous tension et ma patience est mise à rude épreuve. Quand vous êtes stressée en permanence, il vous arrive d'exploser. C'est un handicap et peut-être mon plus grand défaut. Je sais aussi que je m'investis de manière obsessionnelle dans ce que je fais au point de négliger tout le reste. C'est ce qu'on appelle l'étroitesse du champ de conscience.
C'est Thomas qui a poussé son père à remonter sur scène. L'écouteriez-vous s'il vous demandait la même chose?Il ne me le demandera jamais. J'ai arrêté la scène à 24 ans. Je ne vais quand même pas recommencer alors que j'en ai 66, l'âge où Johnny a annoncé qu'il arrêtait.
Luc Lorfèvre
(source : http://www.telemoustique.be/tm/magazine/10037/francoise-hardy-chante-sous-la-pluie-rencontre.html )