Françoise Hardy ou l'amour en souffrance (3ème extrait)

A l'occasion de la sortie de La pluie sans parapluie, Françoise Hardy se confiait à Mathieu Pays.

Mathieu Pays : "Vous parlez aussi de l'insouciance un peu naïve de la jeunesse. Regrettez-vous tant que cela, votre jeunesse ?"

Françoise Hardy : "Quand on est jeune, on a tendance à foncer toujours dans le mur, sans trop réfléchir et moi, je suis une grande spécialiste de ça. Ce n'est même pas volontaire, c'est juste qu'à un moment, on se retrouve attaché, entièrement, à une personne. On a vu cette personne dans telle ou telle circonstance et, d'un seul coup il n'y a plus que cela qui compte. C'est un envoûtement et c'est absolument atroce. Moi, j'ai vécu ça pendant des années. En même temps c'est peut-être un bien puisque c'est de là que sont nées la plupart de mes chansons..."

Françoise répond un peu à cöté mais j'en déduis qu'elle estime avoir peu changé dans ses emballements... Elle reste un peu une esclave de ses pulsions et de ses passions et ça semble remonter à toujours....
Mais avec l'âge elle est consciente d'aller dans le mur de cette façon... C'est le seul privilège qu'elle en obtient : la lucidité.

Idée que j'ai toujours partagée: c'est dans l'anomalie que naît la création. Lorsque quelque chose cloche, ne tourne pas rond, dont on a pourtant envie de faire le tour. Lorsqu'on est amoureux, on ne va pas bien, et on se met à écrire des poèmes. D'ailleurs ceux qui te voient écrire des poèmes te disent "non mais t'es pas bien?"

Quand FH dit "c'est atroce", on retrouve sa dépendance disproportionnée à l'être aimé. C'est son côté esclave dont parle Alexandre. Elle doit forcément en retirer plus de souffrance que de joie
Si le fait d'être dans un état "hors du commun" me semble être propice à la création, je ne dirais pas que l'on ne va pas bien lorsque l'on est amoureux ou alors je saisis mal le sens de ta remarque Lil'Bear. Pour moi lorsque l'on est amoureux, on ne touche plus terre (d'autres foncent dans le mur...)

Le problème lorsqu'on ne touche plus terre, Elma, c'est qu'on finit par tomber de haut.

Mais blague à part: intéressante objection. D'après mon expérience personnelle: lorsque je suis tombé amoureux, je n'allais pas bien, mais ce fut aussi du bonheur. Un bonheur plus confus qu'épanoui, plus anormal que serein. On est ailleurs, à côté de la plaque, etc. Pour moi, le sentiment amoureux est profondément lié à un état de vulnérabilité, de fragilité. Le coeur a ses raisons etc... Peut-être dis-je aussi, entre les lignes, que les amours les plus beaux sont les plus impossibles. Il y a quelque chose de l'élan désespéré. Mais bon, c'est sûrement personnel, comme truc. J'envie ceux qui ont connu l'épanouissement dans l'amour. Moi pas. Je m'épanouis autrement, mais pas par la relation amoureuse, que j'associe à un tourment. Je suis assez Hardyen, finalement.

Françoise semble toucher le bonheur du doigt avec "Soleil", mais la plupart de ses chansons sont celles d'une âme errante, depuis "Tous les garçons...". Le bonheur et le bien-être qu'elle atteint parfois, avec "Soleil" ou l'album La Question, ont finalement peu de rapport avec le sentiment amoureux (ou alors de façon voisine, une forme de béatitude qui se propage, etc), il s'agit davantage d'un état cosmique, d'un environnement, de quelque chose d'extra-sentimental. Je crois d'ailleurs, personnellement, que le bonheur est extra-sentimental.

La vulnérabilité et la fragilité, nous avons tous notre part non ? Les amours "les plus beaux" sont ceux qui font le plus souffrir, je te rejoins. Qui n'a pas envie de toucher les étoiles ? Mais comme tu le fais remarquer, ces propos sont le fruit d'une expérience intime, d'une certaine jeunesse aussi, je suppose. L'épanouissement est-il plus lié à une certaine maturité ?
Ame errante à la recherche d'un absolu dont elle ne maîtrise peut être même pas la destination est une jolie façon d'interprêter la vie sentimentale de FH. Et oui, tu fais très "Hardyen" !

Très jolie phrase de FH que vous rapportez là, cher maxputti. Une phrase que je trouve très baudelairienne.

Je devrais peut-être lire son bouquin...

Maxputti, ta théorie des quatre humeurs me fait penser aux voyelles d'Arthur Rimbaud : A noir, E blanc, I rouge... . On baigne dans la poésie !