10/11/2013
Françoise Hardy, étoile du Berger
Quarante ans après la sortie originale, l'album "Message personnel" est réédité, nanti d'inédits, d'instrumentaux et de duos. La chanteuse, 70 ans en janvier prochain, revient avec précision sur la genèse d'un disque-clé dans sa longue carrière.«Au bout du téléphone, il y a votre voix/Et il y a des mots que je ne dirai pas.» La chanson-titre fait partie du patrimoine de chacun, reprise par deux générations d’artistes au moins. Ultime plage du (déjà) quatorzième disque de Françoise Hardy sorti à l’automne 1974, «Message personnel» rejoint «Tous les garçons et les filles de mon âge» dans le panthéon populaire. C’est aussi la seule collaboration de l’artiste avec Michel Berger, étoile montante et novatrice de la pop française de l’époque.
Françoise Hardy. Je sortais de deux albums très importants pour moi, « La Question », réalisé avec mon amie brésilienne Tuca, et « If You Listen », fait à Londres avec des musiciens de la pop-rock anglaise. J’en étais très fière, mais ils n’avaient pas marché du tout. Je pataugeais.
Comment avez-vous rencontré Michel Berger ?Jean-Marie Périer (1) m’a présenté Michel, dont j’adorais «Amoureuse», le premier album qu’il avait conçu pour Véronique Sanson, pour moi l’un des plus grands de la chanson française. Il a accepté de réaliser le disque mais m’a prévenue qu’il ne pourrait me donner que deux titres : il écrivait pour lui aussi. Quand il est venu chez moi et a joué «Message personnel» au piano, j’ai immédiatement senti qu’elle possédait de la magie. Avec raison, Michel m’a incitée à écrire la première partie et à la dire plutôt que de la chanter. C’est l’une des plus belles chansons que j’aie enregistrées et, de surcroît, le succès a été massif et immédiat.
Comment s’est passé l'enregistrement?Ce n’était pas de tout repos. Il avait beaucoup d’autorité qui versait parfois dans l’autoritarisme, perfectionniste mais pas toujours patient. J’étais et suis toujours une chanteuse plus mélodique que rythmique et, en travaillant seule les chansons en amont, j’avais pris quelques faux plis. J’ai eu un problème sur « Message personnel », qu’il a compensé avec des chœurs, et surtout le pont de la chanson « Je suis moi ». Là, ça a un peu dégénéré… Cela n’enlève rien à la fierté que j’ai eue à travailler avec lui et à la qualité finale de l’album. Je suis toujours inconditionnelle de ses chansons, de ses productions.
En gardez-vous toutefois un bon souvenir ?Excellent, franchement. J’étais enceinte de Thomas à l’époque, je suis très heureuse que «Message personnel» ait été l’une des premières chansons qu’il ait entendues. Je l’ai bercé aussi avec « Amoureuse », de Véronique !
Comment sont nées les autres chansons du disque ?On a essayé de trouver des titres qui se glissaient bien dans l’univers de Michel. «L’Attente» ou «Je suis moi» se fondent parfaitement, mais ça n’a pas toujours été le cas : les chansons de Moustaki par exemple, d’inspiration brésilienne, ou encore «L’Amour en privé», de Serge Gainsbourg et Jean-Claude Vannier, écrite pour le film «Projection privée».
Avez-vous retravaillé avec Berger ?Il m’a fait participer à «Émilie ou la Petite Sirène 76», une comédie musicale qu’il avait écrite pour la télévision, malheureusement jamais publiée sur disque. On y croisait Christophe, Eddy Mitchell et puis France, bien sûr. Il m’a proposé de signer chez lui quand il a fondé sa propre société de production, mais il voulait que je fasse un concept album et, même si j’en ai fait, je ne fonctionne pas comme cela : je recherche les meilleures mélodies pour écrire ensuite.
Photo AFP
Pourquoi cette réédition ?Les maisons de disques ont des difficultés, c’est d’ailleurs un peu leur faute car elles produisent trop de choses sans intérêt. Elles cherchent donc à valoriser ce qu’on appelle le «back catalogue». J’ai été pourtant agréablement surprise par le coffret, avec de magnifiques photos de Jean-Marie. Des inédits ont été ajoutés et les instrumentaux permettent d’encore mieux apprécier les orchestrations de Michel, la beauté des cordes, les subtilités de guitare. On trouvera la reprise de «Message personnel» que j’ai enregistrée pour une émission autour des chansons de Michel, en 2007 : la partie parlée est encore plus prenante que sur l’original.
On vous entend chanter aussi en allemand…Je n’ai aucun souvenir de cette prise ! Le début est très joli. Après, ça se gâte…
De nouvelles chansons ?Oh non ! Je suis fatiguée maintenant. Cela va mieux depuis quelques jours, mais c’est la première fois en deux ans. Mon dernier album, «L’Amour fou», a vécu deux mois seulement, et cela m’a abattue. À quoi bon mobiliser énergie, musiciens et argent pour deux mois ?
Qu’écoutez-vous ?J’adore ce que fait mon fils ! «Le Blues du rose» que lui a écrit Cabrel pour "Le Soldat rose 2» est très beau. Et puis Maissiat, dont il est terriblement injuste que le premier album n’ait pas eu plus d’écho. La chanson «Le Départ» est une merveille qui me fait pleurer.
Propos recueillis par Yannick Delneste(1) Photographe star du show-biz des années 1960.
« Message personnel » (Warner), double CD (20€), coffret (80€).http://chansonfrancaise.blogs.sudouest.fr/archive/2013/11/05/francoise-hardy-1011502.html