L'élégance indémodable de Françoise Hardy
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] | 05.04.10
Il y a un paradoxe Françoise Hardy, éloignée des scènes après une autoanalyse sans concession sur ses capacités à chanter en public, et pourtant toujours présente, au coeur même de la chanson française. D'une mélancolie saturnienne, brillante et limpide dans le choix des mélodistes qu'elle impose à ses textes, Françoise Hardy aura traversé toutes les époques, depuis celle du yé-yé (la seule qu'elle répudie), sans se brûler les ailes.
La Pluie sans parapluie est son vingt-sixième album, ce qui en impose, mais ne la charge d'aucune des peines généralement réservées aux stars qui ont déjà tout dit.
Ainsi, Françoise Hardy ne se répète-t-elle pas. Depuis
Tant de belles choses, paru en 2004, elle a fait des parenthèses, dont un album de duos, justement intitulé
Parenthèses, où l'on trouvait un remarquable chassé-croisé avec Julio Iglesias (
Partir quand même), un autre avec Alain Bashung (
Que reste-t-il de nos amours ?, de Charles Trenet) et les traces de Jacques Dutronc, objet central de l'autobiographie qu'elle a publiée en 2008,
Le Désespoir des singes et autres bagatelles (éd. Robert Laffont).
On notera au passage l'élégance des titres et leur désespérance jouissive. Car, enfin, se retrouver sous la pluie sans parapluie peut être malheureux, ou au contraire propice à la libération sensuelle ; avoir le temps d'observer les singes des jardins de Bagatelle (en réalité des conifères ainsi nommés) peut signifier beaucoup de vacuité, ou, au contraire, une grande capacité à profiter du temps en philosophant. Ce pessimisme détaché, cette lucidité rêveuse ont bâti la trame de
La Pluie sans parapluie et de son titre d'ouverture,
Noir sur blanc, avec vouvoiements d'usage, écrite sur une musique du chanteur Calogero.
Loin du déluge, le nouvel Hardy décline la gamme climatique, de la bruine à l'averse, treize chansons durant, pas toutes égales. Elle est l'auteure attentive de certaines d'entre elles (
Le Temps de l'innocence, Esquives...), dont la musique a été composée par des complices déjà en vue dans l'univers de la sauvage Parisienne (Alain Lubrano, Ben Christophers, Thierry Stremler, Pascale Daniel...). Ailleurs, elle se livre, redevenant l'interprète tout en délicatesse qu'elle sait être. En deuxième partie d'opus, la plus évidente, Arthur H offre
Les mots s'envolent,
La Grande Sophie, Mister (allusions à Jacques Dutronc, l'impénétrable). La réalisation musicale, si soignée qu'elle peut s'écouter en parallèle après avoir fait l'effort mental de gommer la voix de son champ de perception, a été confiée à Alain Lubrano, aux compositeurs, mais aussi à Edith Fambuena, transfuge de la sphère d'Etienne Daho.
ESCADRON DE HORSE-GUARDSEn 1963, le photographe Jean-Marie Perrier, qui était alors son compagnon, fixait la jeune vedette des teenagers français à Londres, haute, mince et chic, hauts talons et sac en bandoulière, un escadron de horse-guards défilant en arrière-plan. Elle avait 23 ans, elle était
so british, et tellement française. Elle en a 66 aujourd'hui, et ses cheveux blanchis ne lui ont pas fait perdre son image d'icône pop, qui séduisait Bob Dylan. Jean-Louis Murat l'a bien compris, qui lui donne, en anglais,
Memory divine, guitare libre, électrique, batterie folk, élégance de talons aiguilles, précision de métronome, du grand Hardy.
Véronique Mortaigne(source : http://www.lemonde.fr/culture/article/2010/04/05/l-elegance-indemodable-de-francoise-hardy_1329011_3246.html#xtor=AL-32280184 )